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Eleutherodactylus martinicensis
(Tschudi, 1838)
Hylode de la Martinique
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par Michel BREUIL *


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Systématique - Description - Répartition dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale - Habitat - Biologie-Écologie - Reproduction -

 

Systématique
Syntypes : MNHN 4881-83, 4883 A-C.
Localité-type : "Martinique". Restreinte par Schwartz (1967) à "the island of Guadeloupe" . Restriction non valide et fausse (p.5 et 18).
Nom original : Hylodes martinicensis Tschudi, 1838.

Schwartz (1967), Kaiser et Hardy (1994a) et Censky et Kaiser (1999) ont exposé les raisons du transfert d'Hylodes martinicensis dans le genre Eleutherodactylus. Cette espèce a reçu le nom de l'île où les premiers individus de cette espèce auraient été capturés. Cependant, l'étude des syntypes collectés par Plée et sur lesquels repose la description de l'espèce a conduit Schwartz (1967) à la conclusion qu'ils ne provenaient pas de la Martinique, mais de la Guadeloupe et plus précisément de la Grande-Terre. Pour les raisons historiques, philologiques et morphologiques développées p.19, il nous paraît donc certain que les hylodes ayant servi à la description d'Eleutlaerodactylus martinicensis proviennent bien de la Martinique et très probablement des pitons du Carbet (à l'exception du MNHN 4881) et non pas de la Grande-Terre comme l'a supposé Schwartz (1967).

L'hylode de la Martinique est appelé en français "rainette brun" (sic) par Kaiser et Hardy (1994a), nom qui ne semble pas en usage dans les Antilles françaises si ce n'est par quelques rares métropolitains comme Villard (1999).

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Description
L' hylode de la Martinique est le plus grand de tous les hylodes de Guadeloupe. Les mâles atteignent une longueur corporelle maximale de 32,5mm et les femelles de 47 mm. La tête est très large et dépasse du reste du corps, le museau est tronqué. Les pattes sont longues et les talons se chevauchent quand les pattes sont pliées perpendiculairement par rapport à l'axe du corps. Les disques digitaux sont grands et témoignent de ses moeurs arboricoles. La couleur du dos varie du jaune sale au brun orangé, jusqu'au gris et au marron foncé. Les dessins dorsaux sont très variables, mais le sont nettement moins que chez l'hylode de Johnstone. Il existe en général une ligne médiodorsale fine ou au contraire plus large de couleur variable (jaune, vert). Il y a une barre interoculaire et au moins un chevron dorsal. Le ventre ; est jaune pâle ou blanc, la gorge et le ventre sont souvent mouchetés de noir.

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Répartition dans l'archipel Guadeloupéen
Dans son travail sur les hylodes des Petites Antilles Schwartz (1967) n'a pas mentionné d'Amphibiens à Saint-Barthélemy. Magras (1992) a indiqué que l'hylode de la Martinique était arrivé au début des années 1980 à Saint-Barthélemy et qu'il s'était d'abord cantonné dans les zones humides de l'île avant de coloniser toute sa surface. Kaiser (1992) a signalé la présence de l'hylode de la Martinique à Saint-Barthélemy où il serait limité, selon lui, à trois sites : Hôtel Jean Bart (Saint-Jean), Hôtel la Normandie (Lorient), Anse aux Flamandes (sic) (= Anse des Flamands). Les analyses génétique et acoustique que Kaiser a conduites suggèrent que ces hylodes proviennent de la Guadeloupe (BasseTerre + Grande-Terre), ils auraient été transportés passivement lors d'échanges commerciaux.
Contrairement à ce qu'a écrit Kaiser, cette espèce n'est pas localisée à trois points de l'île. En 1996, elle était présente sur toute sa surface aussi bien près des habitations que dans les zones les plus reculées.
Il en était déjà ainsi en 1991 quand Kaiser a visité cette île (Magras, 1992). Il est tout à fait possible que cette espèce soit arrivée avec des matériaux de construction (parpaings). On nous a raconté aussi qu'elle avait été introduite volontairement de Guadeloupe, il y a une vingtaine d'années, par des békés qui trouvaient les nuits de Saint-Barthélemy un peu trop silencieuses (Breuil et Aussedat, 1999) !
Les chants que nous avons enregistrés à Saint-Barthélemy indiquent que l'hylode de la Martinique et l'hylode de Johnstone sont présents, mais l'hylode de Johnstone ne semble pour l'instant localisé qu'à quelques jardins. Nous avons recueilli des témoignages dignes de foi indiquant que des "grenouilles" (certaines de couleur bleue !) étaient arrivées à Saint-Barthélemy avec des orchidées et différentes autres plantes de Guadeloupe et d'Amérique du Sud. De plus, il y a de très nombreux déplacements de plantes en pots responsables en partie de la colonisation rapide de l'île. Nos observations et les nombreuses discussions avec les personnes intéressées par les Amphibiens et les Reptiles à Saint-Barthélemy suggèrent que depuis une quinzaine d'années, il y a eu plusieurs introductions de grenouilles à Saint-Barthélemy comme en atteste, de manière indiscutable, l'arrivée fin 1995-début 1996, de la rainette de Cuba (Osteopilus septentrionalis) (p.73).

L'hylode de la Martinique n'avait jamais été signalé jusqu'à présent à Saint-Martin (Kaiser et Hardy, 1994a; Censky et Kaiser, 1999). Il est à noter que Cope (1871) a indiqué la présence de l'hylode de la Martinique à Saint-Martin (Holthius, 1959), mais à son époque l'hylode de Johnstone n'était pas décrit (p.49). Cependant, des collections d'hylodes réalisées par Jean Lescure dans cette île en novembre 1983 contiennent des spécimens d'hylode de la Martinique (MNHN 2000.6461-6468). Cette espèce a pu arriver à Saint-Martin dans les années 80 voire avant, mais la compétition avec l'hylode de Johnstone et la prédation par la rainette de Cuba n'ont pas favorisé son installation. Saint-Martin a été ravagé par deux cyclones (Luis et Marylin) en septembre 1995 et de nombreux hôtels ont été détruits et abandonnés, d'autres étaient en reconstruction en juillet 1996.

Lors des travaux de replantations dans ces jardins, on nous a rapporté, à cette époque, l'arrivée de plusieurs grenouilles dans des caisses de plantes venant de Guadeloupe. Leur couleur et leur grande taille indiquaient qu'il s'agissait en toute probabilité de l'hylode de la Martinique ce qui a été confirmé par les photographies des différents hylodes de Guadeloupe présentées au témoin. Bien que l'hylode de Johnstone ne soit pas très abondant dans cette zone, il n'est pas certain que l'hylode de la Martinique puisse s'implanter à Saint-Martin à partir de ce point d'entrée. Le milieu est très sec et très venté, de plus il y aurait probablement une compétition importante, voire une prédation par la rainette de Cuba ce qui est le cas actuellement à Saint-Barthélemy (obs. pers., avril et août 2000).

En plus de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin l'hylode de la Martinique habite Grande-Terre, Basse-Terre, Marie-Galante, Terre-de-Haut, Terrede-Bas, îlet à Cabrit, Grand Ilet (Saintes), Ilet à Kahouanne, Ilet à cochons, la Désirade (Schwartz, 1967). Selon Stejneger (1904), Eleutherodactylus martinicensis aurait été introduit en Guadeloupe à partir de la Martinique, mais cet auteur n'a pas donné d'arguments pour étayer cette hypothèse qui a été reprise par Barbour (1914).

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Répartition locale
Censky et Kaiser (1999) ont considéré que cette espèce s'était différenciée à la Martinique (mais voir p.53). En plus des îles de l'archipel Guadeloupéen, l'hylode de la Martinique est présent à la Martinique et à la Dominique. Selon Lescure (2000), elle aurait été éliminée de Sainte-Lucie par l'hylode de Johnstone. À la Dominique, l'hylode de la Martinique cohabite avec une espèce proche, mais de plus grande taille, l'hylode de la Dominique (Eleutherodactylus amplinympha). Selon Kaiser (1992), il a été signalé par erreur à Antigua par Schwartz (1967) et cette donnée est reprise par Schwartz et Henderson (1988, 1991) où d'après Pregill et al. (1988), il y a eu confusion avec l'hylode de Johnstone. Pregill et al. (1994) ont signalé la présence d'un hylode sub-fossile sur la Grande-Terre qu'ils ont rattaché à Eleutherodactylus martinicensis. L'hylode de la Martinique vient d'être signalé à Hawaii (Campbell et Kraus, 1999) ce qu'il montre qu'il voyage comme l'hylode de Johnstone.

La présence de l'hylode de la Martinique sur de nombreuses îles indépendantes pose le problème de l'île sur laquelle il s'est différencié. Selon Censky et Kaiser (1999), c'est en Martinique qu'aurait eu lieu la spéciation ayant donné cette espèce (p.54), car cette île ne possède pas d'espèce endémique d'éleutherodactyle, proposition qui reste à être démontrée. Faute d'études génétiques, biométriques acoustiques importantes prenant en compte la variabilité intra- et inter- îles, il est difficile de répondre à cette question et de préciser les parentés entre les différentes populations d'Eleutherodactylus martinicensis.

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Habitat
La répartition naturelle de l'hylode de la Martinique dans les îles volcaniques du centre (Martinique, Dominique, Guadeloupe et dépendances proches) suggère que c'est une espèce qui s'est différenciée dans la forêt humide comme le montre aussi l'utilisation de la base des Broméliacées épiphytes (Guzmania spp.). L'hylode de la Martinique se rencontre du niveau de la mer au sommet de la Soufrière de Guadeloupe (Schwartz et Henderson, 1991), mais Hedges (1999) ne l'a observé que jusqu'à 1 200m tout comme nous (1 250m). L'hylode de la Martinique habite la forêt xérophile, la forêt mésophile, la forêt hygrophile et les savanes d'altitude. Il se dissimule à l'aisselle des feuilles de Broméliacées (Pitcaimia spp., Guzmania spp.), dans les mangles-montagne (Clusia mangle) et les fougères arborescentes (Cyathea spp.). On trouve aussi l'hylode de la Martinique dans les habitats perturbés (Grands-Fonds) et artificiels comme les bananeraies, les champs de canne à sucre, les cocoteraies, les vergers, les jardins hors murs (Saintes), mais aussi les taillis et les fourrés secs (fourrés à crotons) comme sur la Grande-Terre. Il fréquente l'intérieur des maisons (salle de bain, cuisine. . .), les serres.

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Biologie-Écologie
Dans les milieux peu humides, le jour, les hylodes de la Martinique se cachent dans les recoins humides et sous les amoncellements de végétation (piles de noix de coco, sous les pierres, les troncs, les gravats divers, dans les lampadaires de jardins, sous et dans les pots de fleurs. . .). Dans ce type de milieux, il est en compétition avec l'hylode de Johnstone qui est plus thermophile. En forêt humide, mais aussi en forêt sèche et, d'une manière générale, dans tous les milieux où il y a des Broméliacées épiphytes, les hylodes de la Martinique se dissimulent à l'aisselle des feuilles des ananas-bois (Guzmania spp.) qui contiennent une petite collection d'eau où il est possible parfois de les voir par transparence. Il en est de même dans les bananeraies où ils se cachent à l'aisselle des feuilles de bananiers. Ces tendances arboricoles se remarquent particulièrement dans les maisons où l'hylode de la Martinique cohabite avec l'hylode de Johnstone. En effet, dans ces situations, l'hylode de la Martinique chasse sur les murs, près des lampes allumées en compagnie d'anolis et de geckos ce que l'hylode de Johnstone ne fait que plus rarement. En forêt humide, les hylodes de la Martinique se retirent aussi durant le jour sous les feuilles de la litière. Un hylode de la Martinique mâle, passager clandestin de la base d'une feuille de balisier d'un bouquet tropical, au départ de Petit-Bourg est arrivé à Montpellier en février 1989. L'hylode, surnommé King Kong, a vécu jusqu'en avril 1996. Cet individu adulte, au moment de son arrivée, a donc vécu au moins 7 ans et deux mois, ce qui constitue un record absolu pour cette espèce (Debussche, 1998). Cette performance montre que, contrairement aux idées reçues, les Amphibiens tropicaux de petite taille ont une longévité potentielle élevée.

Les hylodes de la Martinique sont consommés par les couresses (Alsophis, Liophis) (Henderson et Crother, 1989; Henderson et Bourgeois, 1993), par les merles et les grives, mais aussi par les scolopendres (obs. pers., Marie-Galante). Nous avons étudié les contenus du jabot de quelques tapeurs ou pics de la Guadeloupe (Melanerpes herminieri) que nous a confiés Villard (1999). Les 9 hylodes présents étaient tous des hylodes de la Martinique. Les hylodes de petite taille sont aussi la proie des anolis et les thécadactyles n'hésitent pas à s'attaquer et à manger des individus de 3 cm (obs. pers.). Dans les maisons, les hylodes de la Martinique sont particulièrement efficaces dans la destruction des petits insectes. Moravec et Kaiser (1994) ont décrit une nouvelle espèce de vers nématodes parasites d 'Eleutherodactylus martinicensis à partir d'un individu capturé à la Désirade.

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Reproduction
Ces hylodes sont actifs la nuit. Les mâles chantent postés sur des petits monticules, des feuilles, des troncs... souvent la tête tournée vers le sol, rarement au-dessus de 2 mètres (m= 116 cm, n= 35 ; min. 40, max. 180cm à Sofaïa). Ils choisissent des sites où ils sont particulièrement visibles. Ils chantent également le jour en forêt humide, mais aussi en milieux plus arides quand le soleil est caché et/ou quand il pleut.
En captivité, les mâles chantent aussi le jour quand, il y a une chute brusque de la luminosité et/ou une augmentation soudaine de l'hygrométrie (pluie, arrosage). Le chant du mâle est composé par une série de notes émises à un rythme plus ou moins régulier, puis le chant proprement dit, constitué de deux notes. La première note, de courte durée, est basse;elle"annonce" aux autres mâles la note suivante qui est deux fois plus longue et de plus en plus aiguë.
Un mâle peut chanter toute une nuit. La reproduction a lieu pendant les pluies, mais les données précises dans le milieu naturel manquent.

Renaud Boistel (comm. pers., mars 1996) a obtenu en captivité la reproduction de cette espèce. La ponte a lieu en période très humide, c'est-à-dire quand le sol et l'air sont saturés d'eau. Trois pontes ont été obtenues de 21, 18 et 23 oeufs. Celles-ci étaient déposées à même le sol. Les oeufs mesurent 4 à 5 mm de diamètre, ils sont groupés en paquets. À 23 °C, les développements embryonnaire et post-embryonnaire durent environ 2 semaines. Les embryons, déjà en forme de petite grenouille, au 5éme-6éme jour, possèdent une queue vascularisée en forme de raquette, celle-ci est appliquée contre la membrane interne de l'oeuf. Vers le 13éme-14éme jour, les mouvements brusques de l'imago provoquent la déchirure des deux membranes de l'oeuf, aidé en cela par la dent de l'oeuf qui se trouve à l'extrémité antérieure de la mandibule supérieure et qui tombe dans les jours qui suivent. À l'éclosion, la queue est quasiment résorbée. Après s'être dégagés de leurs enveloppes, les imagos restent immobiles 12 à 24 heures, puis deviennent très actifs. Ils vivent sur leurs réserves environ une semaine puis consomment des collemboles, des petits grillons...
La coloration des imagos est brun marron et les dessins de l'adulte sont déjà acquis à l'éclosion. Les jeunes immédiatement après l'éclosion mesurent 5-6mm (n = 25).

© Histoire naturelle des amphibiens et reptiles terrestres de l'archipel guadeloupéen
Michel BREUIL - Ed.Museum national d'histoire naturelle de Paris (Paris- 2002)

 

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