Alsophis rijgersmaei (Cope, 1869) |
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par Michel BREUIL *
Systématique -
Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Protection
-
Systématique
Localité-type
: "Saint-Martin and Anguilla"
Syntypes : ANSP 5411-5416 (non vus)
Synonymes : Alsophis cinereus
Garman, 1887c
Dans sa description originale, Cope a appelé cette espèce Alsophis
rijgersmaei en l'honneur de H. E. Van Rijgersma, médecin néerlandais
exerçant à Saint-Martin qui a fait parvenir à Cope de nombreux
spécimens zoologiques (Holthius, 1959). Il est probable que Cope ait
latinisé le nom de Van Rijgersma en Van Rijgersmaeus comme cela se pratiquait
autrefois, ce qui donne au génitif, sans la particule et sans majuscule,
rijgersmaei. Ce nom est systématiquement mal orthographié. C'est
le Zoological Record qui a commencé les modifications en introduisant
l'orthographe rygersmoei (vol. VI, année 1869, p. 116).
Certes, le remplacement de "ij" par "y" est une pratique
courante en néerlandais, mais qui n'a aucune raison d'être ici.
Barbour (1914) a orthographié le nom rijemaei, puis a refait une erreur
en orthographiant rigersmaei (Barbour, 1930a). Néanmoins dans ses trois
listes successives des Amphibiens et Reptiles des Antilles, Barbour (1930b,
1935, 1937) a repris correctement l'orthographe de Cope : rijgersmaei. Parker
(1936) a orthographié ce nom aussi de manière erronée:
rijgersmai. Brongersma (1959) a repris la nomenclature de l'espèce mais
l'écrit finalement rijgersmai. Henderson l'a orthographié systématiquement
de manière fautive : rijersmai tout comme Powell et al. (1996), Censky
et Kaiser (1999) et Zaher (1999). C'est en faisant la bibliographie exhaustive
de cette espèce pour le Catalogue of American Amphibians and Reptiles
que Townsend et al. (2000) ont repris l'orthographe de Cope (rijgersmaei), la
seule valide.
Nous proposons ici le nom commun de couresse d'Anguilla plutôt
que celui de couresse de van Rijgersma qui est plus difficile à prononcer
et à orthographier.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Protection
-
Description - Diagnose
La couleuvre d'Anguilla est une couresse de taille moyenne avec un museau relativement
pointu qui atteint, selon Cope, environ 110cm de longueur totale. La plus grosse
femelle que nous avons étudiée (MNHN 1997.6065) atteint 138cm
(corps: 108cm, queue : 30 cm) alors que Schwartz et Henderson (1991) ont donné
une longueur corporelle ne dépassant pas 79cm. D'après ces mêmes
auteurs, les écailles dorsales forment le plus souvent 23 rangées,
parfois 21.
Cope (1869) a donné pour les sous-caudales, une variation de 100 à
122 pour les six individus de Saint-Martin ayant servi à la description
de l'espèce. Garman (1887C), pour les individus de Saint-Barthélemy,
a indiqué une variation comprise entre 201 et 207 écailles ventrales
et entre 99 à 122 écailles sous-caudales pour des individus de
Saint-Barthélemy et d'Anguilla. Selon Schwartz et Henderson (1991), les
femelles possèdent entre 198 et 206 écailles ventrales et entre
94 et 102 sous-caudales ; les mâles entre 202 et 208 ventrales et entre
112 et 117 sous-caudales. Nos comptages sur un échantillon de 6 Alsophis
rijgersmaei de Saint-Barthélemy, donnés au MNHN par Michel Magras,
ont conduit à un nombre d'écailles sous-caudales et ventrales
compris dans les fourchettes de Schwartz et Henderson (1991), mais le nombre
d'écailles autour du corps est, pour les 6 individus, de 21. Ces différences
proviennent de l'endroit où sont faits les dénombrements comme
l'ont indiqué les comptages réalisés par Brongersma (1959)
au début, au milieu et à l’extrémité postérieure
du corps.
La coloration dorsale est marron foncé avec quelques rares écailles claires, beige, marron brunâtre. Des écailles noires formant progressivement, en arrière de la tête une bande noire continue au milieu du dos. Une bande marron foncé part des narines, passe au travers de l'oeil et se perd dans la région temporale, mais sa partie inférieure, plus foncée se poursuit comme une ligne en arrière du cou. Les écailles foncées de la ligne dorsale ont une bordure postérieure claire. La coloration ventrale est jaune crème, saumon rosé, voire marron-noirâtre avec des taches marron plus ou moins étendues. Les deux tiers postérieurs de la face ventrale sont beaucoup plus foncés que le tiers antérieur. Chez certains individus, ces taches marron envahissent toute la face ventrale qui apparaît alors foncée. En général, le dessous de la tête est tacheté, celui de la queue plus foncé que le reste du corps.
Les Saints-Barths reconnaissent deux types de serpents : un grand très
foncé, d'environ 1 m de longueur voire davantage et de 2 à 3 cm
de diamètre et un petit de faible diamètre, gris et à la
queue effilée. Cette dernière a la réputation de vivre
dans les murs, sous les pots de fleurs. . . . Suivant les habitants, elle est
appelée couleuvre à Bon Dieu ou vipère à Bon Dieu.
Cette dernière appellation serait due à la possession d'un V sur
la tête, d'autant plus marqué que le serpent est petit, et l'association
avec "Bon Dieu" indiquerait qu'elle est inoffensive. La présentation
d'un adulte et d'un jeune Alsophis à des SaintBarths montre que la couleuvre
à Bon Dieu est bien un jeune Alsophis.
Répartition dans l'archipel Guadeloupéen
Sur l'île de Saint-Martin, cette couresse semble maintenant bien localisée
et très rare alors qu'elle devait être répartie naguère
sur l'ensemble de l'île. En 22 jours de terrain dans la partie française,
nous ne l'avons pas observée. Des témoignages font encore état
de sa présence dans les mornes situés à l'est de Colombier
et vers le Pic du Paradis. Les données de la littérature indiquent
qu'on la rencontrait à Red Rock (Schwartz et Henderson, 1991), à
Cul-deSac, situé au sud de Red Rock, où elle a été
capturée en 1951 (Brongersma, 1959). Cette espèce fut considérée
comme disparue par Westenann (1953, 1955) car elle n'a pas été
revue depuis 1951. Cependant, en 1991, 6 couresses ont été observées
du côté néerlandais à Mary's Fancy, au nord-ouest
de Philipsburg (Powell et al., 1992), mais aucune ne semble avoir été
revue depuis.
À Saint-Barthélemy, la couresse d'Anguilla, bien que fort discrète,
est encore présente, mais en voie de disparition. Elle est signalée
de Lorient par Brongersma (1959) et de Morne de Grand Fond par Schwartz et Henderson
(1991). Nous l'avons observée à Colombier, sur le Morne de Grand
Fond à Anse des Cayes et nous avons vu un individu écrasé
à Lorient et un autre à anse des Cayes. D'après les différents
témoignages que nous avons récoltés, la couresse d'Anguilla
se rencontre aussi à Lurin, à Saint-Jean et à la Grande
Saline. Elle est donc présente sur l'ensemble de l'île.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Protection
-
Répartition locale
La couresse d'Anguilla habite le banc d'Anguilla : Anguilla, Saint-Martin, Saint
Barthélemy. Les individus ayant servi à la description de cette
espèce provenaient de Saint-Martin (Cope, 1869). Elle n'a été
signalée de Saint-Barthélemy et d'Anguilla qu'en 1887 par Garman
(1887c) et décrite comme une autre espèce : Alsophis cinereus
. Sa présence vient d'être confirmée à Scrub Island
au large d'Anguilla, par Howard et al. (2001 ) mais elle y avait été
citée auparavant par Malhotra et Thorpe (1999) sans plus de précision.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Protection
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Habitat
La couresse d'Anguilla fréquente plutôt les endroits humides,
ravines, chaos rocheux, éboulis, vieux murs, milieux boisés et
relativement frais, amas de feuilles. Elle semble plus rare dans les milieux
ouverts. D'après nos observations et les nombreux témoignages
recueillis, la couresse d'Anguilla affectionnerait tout particulièrement
les chaos rocheux, les éboulis et les murs. Selon Sajdak et Henderson
(1991), à Anguilla, cette espèce est fortement associée
aux rochers ou aux murs. C'est d'ailleurs au cours de travaux de reconstruction
de murs non maçonnés que cette couresse est le plus souvent observée
par les Saints-Barths. Elle se cache dans les sanseverias qui sont appelés,
à Saint-Barthélemy, bois-couleuvre car les couleuvres s'y dissimulent
fréquemment.
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- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Protection
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Biologie-Écologie
En dehors des caractéristiques de son milieu, cette couleuvre
est peu connue. Les observations ponctuelles et les témoignages recueillis
suggèrent qu'elle a une biologie équivalente à celle de
la couresse des Saintes, Alsophis sanctonum. Elle est diurne, chasse activement
et se rencontre sur le sol où elle consomme Anolis gingivinus (Henderson
et Sajdak, 1996), des hylodes, mais aussi des améives (Henderson et Crother,
1989). Un Saint-Barth a vu une couresse d'Anguilla particulièrement grosse
en train de manger une jeune tortue charbonnière (Chelonoidis carbonaria)
et un autre une rainette de Cuba (osteopilus septentrionalis). Elle est parfois
vue dans les arbres. Cette espèce est plus active durant l'hivernage.
En saison sèche, elle est rarement observée.
Systématique
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dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Protection
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Reproduction
Il n'existe ni données dans la littérature, ni observations concernant
la biologie de la reproduction de cette espèce.
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dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Protection
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Protection
La couleuvre d'Anguilla a fortement régressé à
Saint-Martin voire disparu (Daltry et al., 2001). Les mangoustes, très
nombreuses sur l'île, sont considérées comme étant
les responsables de cette chute des effectifs (Henderson, 1992). Même
si ces prédateurs ont contribué à limiter le nombre de
couleuvres, trois autres facteurs sont intervenus : la destruction des milieux
pour l'agriculture, la destruction directe par l'Homme, les rats et les chats
(p.290). À Saint-Martin, le brûlage régulier de la végétation
des mornes a considérablement réduit l'habitat de cette espèce.
Elle est considérée comme en danger par l'UICN (Day in Hilton-Taylor,
2000). Daltry et al. (2001) considèrent que ce serpent est un des plus
rares des Petites Antilles et que tout reste à faire pour le sauver.
Plée (1821) dans son catalogue (BMNHN MS 72) a mentionné à propos d'une couleuvre qu'il a capturée à Saint-Barthélemy en octobre 1821 (bocal N° 9) et qu'il a dessinée (p.19) : "les serpents sont paraît-il très rares dans l'île car tout le monde courrait pour voir celui que j'avais". Tout cela suggère que les populations de la couresse d'Anguilla ont été (sont) sujettes à des fluctuations importantes d'effectifs. La couleuvre capturée par Plée n'a pas été retrouvée dans les collections nationales. La destruction des serpents à Saint-Barthélemy par l'Homme est malheureusement bien réelle (en l'occurrence Elaphe guttata, la couleuvre à gouttelettes, p.35), mais aussi de la couresse d'Anguilla. L'augmentation du trafilc routier entraîne comme aux Saintes, la mort de nombreux individus (obs. pers.). Malheureusement au moins une mangouste a été introduite à Saint-Barthélemy, mais elle n'est plus revue depuis quelque temps (p.35).
© Histoire
naturelle des amphibiens et reptiles terrestres de l'archipel guadeloupéen
Michel BREUIL - Ed.Museum national d'histoire
naturelle de Paris (Paris- 2002)
webmaster : Action-Nature (2003)