Ameiva plei
analifera (Duméril et Bibron, 1839) Ameive de Plée |
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par Michel BREUIL *
Systématique -
Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Disparition
-
Systématique
Lectotype : MNHN 4163
Localité-type : "Martinique
et Saint-Domingue" Censky et Paulson (1992) ont retenu Saint-Barthélemy
comme localité-type ainsi que l'avaient suggéré Barbour
et Noble (1915), ce faisant ils ont désigné un des syntypes du
MNHN comme lectotype.
Synonymes :
Ameiva scutata Gray, 1845 (d'après Censky, 1998)
Ameiva analifera Cope, 1869
Ameiva gaasani Barbour, 1914
Ameiva nevisiana Schmidt, 1920
Duméril et Bibron (1839) ont dédié cette espèce
à Auguste Plée (p.17). L'orthographe correcte du nom d'espèce
aurait dû être pleei ou pleii si le nom de Plée a été
latinisé en Pleius mais Duméril et Bibron (1839) l'ont orthographié
plei qui en est cependant, l'orthographe valide (Brygoo, 1989). Boulenger (1885)
a réalisé la première modification du nom d'origine en
Ameiva pleii, suivi par Undenvoni (1962) en Ameiva pleeii et Baskin et Williams
(1966) en Ameiva pleei.
C'est cette dernière graphie que Schwartz et Thomas (1975), Schwartz
et Henderson (1985, 1988 et 1991) ont utilisé, mais d'après le
Code International de Zoologie, la modification n'est pas valide tandis que
Censky et Paulson (1992), Powell et al. (1996), Censky (1998) et Censky et Kaiser
(1999) ont repris l'orthographe plei. Cette espèce est appelée
"anolis-terre", lézard de terre ou lézard vert à
Saint-Barthélemy. L'expression saint-barth : "je suis allé
nourrir les anolis" signifie : "je suis tombé" (Franciane
Gréaux, comm. pers., avril 2000. L'origine exacte du nom analifera n'a
pu être établie.
Plée a récolté cette espèce au cours de son séjour à Saint-Barthélemy (30 novembre-10 décembre 1821). Son catalogue correspondant à ce voyage (Plée, 1821: BMNHN MS 72) contient 14 numéros mais tous ne sont pas attribués à des spécimens. Plée a mentionné des "anolis", suivant probablement l'appellation Saint-Barth, sous les numéros 3, 4 et 10. Ces anolis sont en fait les futurs améives de Plée. Deux sont dans les collections nationales (MNHN 2238, 4163), l'autre est maintenant dans les collections de Harvard (MCZ 4357). Dans leur travail sur les améives du banc d'Anguilla, Censky et Paulson (1992) ont continué de colporter les idées erronées de Stejneger (1904) et de Schwartz (1967) concernant les voyages de Plée (p.18). Censky et Paulson (1992) ont même pensé que Plée avait récolté ces améives " pendant ou avant 1839" alors qu'ils ont écrit, quelques lignes plus haut, qu'il était mort en 1826 (en fait 1825) ! De plus, l'arrêt à Saint-Barthélemy a eu lieu, contrairement à ce qu 'ont suggéré ces deux auteurs, en allant de la Martinique à Porto-Rico où Plée est resté du 19 décembre 1821 au 28 juin 1823 (Thésée, 1989) et non pas sur le trajet du retour.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Disparition
-
Description
L'améive de Plée est un lézard terrestre, de taille moyenne,
muni d'une queue dont la longueur atteint jusqu'à trois fois celle du
corps. il n'y a pas de dimorphisme sexuel à l'exception de la taille
et d'une tête proportionnellement plus large chez les mâles âgés.
Censky et Paulson (1992) ont reprécisé les caractéristiques
morphologiques des populations d'Ameiva habitant les îles du banc d'Anguilla.
Ainsi, trois taxons (Ameiva plei plei, Ameiva plei analifera, Ameiva coran)
sont maintenant reconnus sur le banc d'Anguilla sans compter une autre espèce
(Ameiva corvina) qui habite l'île de Sombrero à 50km au nord-ouest
du banc. Ameiva corax, quant à lui, ne vit que sur Little Scrub Island
au nord-est d'Anguilla.
L'améive de Plée de Saint-Barthélemy (Ameiva plei plei) est la plus grande des deux sous-espèces, les mâles atteignent au maximum 181mm de longueur corporelle (museau-fente cloacale) et les femelles 129mm, mais ces tailles varient suivant les îles. Ainsi, Anguilla, Saint-Barthélemy et Scrub Island abritent les individus les plus grands alors que Dog Island est l'habitat d'une population dans laquelle les améives sont plus petits (mâles 116mm, femelles 78mm) que dans les autres îles.
Les mâles et les femelles adultes de Saint-Barthélemy sont brun verdâtre, certains individus présentent des nuances bleu-vert. De nombreuses petites taches vert clair ponctuent les flancs et les deux tiers postérieurs du dos, mais chez certains grands mâles, les taches s'étendent jusqu'au sommet de la tête. Elles ne fusionnent que rarement en barres verticales, comme sur les individus des autres populations du banc. Les mâles adultes ont une coloration dorsale plus claire. La queue et les pattes présentent aussi ces marques claires. Les adultes de l'île Fourchue sont brun rougeâtre, sans dessins dorsaux, mais avec des taches sur les flancs, ceux de Frégate sont bruns ou noirâtres. La coloration ventrale est blanche ou blanc bleuâtre, sans dessins.
Les jeunes améives (longueur du corps inférieure à 75 mm) présentent une coloration dorsale marron foncé avec sept lignes claires parfois incomplètes. La ligne vertébrale est marron clair et interrompue, par endroits, par la coloration de base du dos. Les lignes paravertébrales de couleur crème sont plus fines, partent de l'arrière de la tête et s'étendent parfois sur la queue. Les lignes dorso-latérales, généralement blanches, partent du coin de l'oeil, elles passent au-dessus des pattes et s'étendent plus ou moins loin sur la queue. Les bandes latérales partent du dessous du tympan, s'étendent sur les pattes postérieures et se rejoignent à la base de la queue. Les jeunes ne présentent des points clairs que sur les pattes. Avec la croissance, ces lignes régressent progressivement, la ligne vertébrale est de moins en moins distincte. Puis, les autres lignes s'estompent dans la partie antérieure du tronc et les points typiques (blanc verdâtre) de la livrée adulte se mettent en place dans la partie postérieure du dos. Chez les adultes, les lignes finissent par disparaître complètement et la coloration du dos s'éclaircit et prend des nuances bleu verdâtre.
L'améive de Plée de Saint-Martin (Ameiva plei analifera) est
la sous-espèce la plus petite, les mâles n'atteignent que 139mm
et les femelles 107mm de longueur corporelle. Elle se distingue de la précédente
par un nombre moyen plus élevé de lamelles sous le quatrième
doigt des pattes postérieures. La coloration du dos des adultes est plutôt
marron voire bronze (vert-gris d'après Censky et Paulson, 1992) et les
points clairs blancs ou blanc verdâtre ne se situent que dans le tiers
postérieur du corps. De plus, il existe, le plus souvent, trois à
cinq barres noires verticales, qui parfois sont estompées, en travers
des épaules ce qui serait une caractéristique des améives
de Plée de Saint-Martin.
Cependant, le critère le plus constant de différenciation entre
ces deux sous-espèces est la présence de bandes peu distinctes
chez les jeunes individus, voire l'absence complète de ces 7 bandes.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
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Répartition dans l'archipel Guadeloupéen
L'améive de Plée est une espèce très largement distribuée
dans les dépendances du Nord. À Saint-Barthélemy, il est
omniprésent, du niveau de la mer au sommet des mornes (286 m), dans tous
les milieux qui lui conviennent. Il habite aussi les îlets satellites
(Fourchue + Petite Islette et îlet au Vent, Frégate, Chevreau et
Toc Vers). À Saint-Martin, l'améive de Plée
présente une distribution qui semble plus limitée, il est absent
des mornes du centre d'altitude supérieure à 120m qui ne présentent
pas l'habitat dont il a besoin.
Il est très abondant à Tintamarre, mais nous ne l'avons pas trouvé
à l'îlet Pinel (conditions climatiques défavorables au moment
des observations), sa présence y est possible, mais à l'époque
de nos observations, il y avait de nombreuses dindes qui sont des prédateurs
potentiels de lézards terrestres diurnes.
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Répartition locale
L'améive de Plée de Saint-Martin (Ameiva
plei analifera) habite uniquement l'île Saint-Martin. L'améive
de Plée de Saint-Barthélemy (Ameiva plei plei) est la sous-espèce
la plus largement distribuée, elle habite Anguilla et ses îlets
satellites (Dog Island, Upper Prickly Pear Cay, Scrub Island, Scilly Cay, Saint-Barthélemy
et ses îlets satellites et l'île Tintamarre
à l'est de Saint-Martin (Censky et Paulson, 1992).
Nous l'avons aussi trouvé à l'îlet au Vent et à Petite
Islette, deux îlets satellites de Fourchue (obs. pers., août 2000).
Curieusement, l'île de Saint-Martin abrite la sous-espèce
analifera alors que l'île de Tintamarre, juste à côté,
abrite la sous-espèce plei comme Saint-Barthélemy et Anguilla.
Certains améives de l'extrémité nord-est
de Saint-Martin possèdent une couleur et des dessins les rapprochant
fortement d'A. plei plei, mais leur taille est inférieure. Une arrivée
d'améives, en provenance de Tintamarre par "radeaux" est envisageable.
Il est alors possible qu'analifera ait jadis habité Tintamarre et qu'une
colonisation secondaire par plei, de taille nettement supérieure, ait
entraîné son élimination. Il pourrait s'agir alors deux
ensembles de populations ayant peut-être atteint le niveau d'espèces.
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Habitat
L' améive de Plée est une espèce très abondante
sur le littoral. Il fréquente l'arrière plage, particulièrement
le rideau de raisinier bord de mer (Coccoloba uvifera) et les tapis de patate
bord de mer (Ipomea). Il est aussi fréquent dans les jardins, les talus,
le long des murs de pierres. On le trouve également dans les buissons
de raquettes (opuntia). Il habite des milieux plus fermés comme des bosquets
arborés de mapous (Pisonia), de merisiers (Eugenia), de bois noirs (Capparis
cynophallophora) et de gaïacs, (Guajacum officinale) mais aussi des fourrés
à ti-baume (Croton flavens) et à z'yeux à chattes (Caesalpinia
bonduc). L'améive de Plée fréquente les bords des mangroves
et des salines, les décharges et les poubelles dans lesquelles il recherche
sa nourriture (insectes attirés par les déchets), mais aussi des
débris organiques en tout genre.
En milieu naturel, sa présence est associée à celle d'arbres qui fournissent de l'ombre, une litière, donc un sol moins sec plus facile à creuser. Il est aussi présent dans les éboulis dégagés ou boisés. Les plus grandes densités que nous avons observées se situent à Tintamarre. Dans certains fourrés et certains bosquets, elles atteignent un individu pour 10m² environ, voire davantage. Censky (1996) a indiqué sur Anguilla des densités plus de 10 fois plus faibles.
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Biologie-Écologie
L'améive de Plée est un lézard terrestre, non
territorial (Censky, 1997) très actif chassant ses proies en explorant
rapidement son domaine. Ce sont des lézards qui fourragent à la
manière des varans. Ils sortent leur langue en permanence à la
recherche des odeurs qui les guident vers leurs proies et creusent très
souvent. Exceptionnellement, ils montent sur des branches où se réfugient
sous des écorces basses des arbres (obs. pers.).
L'améive de Plée se cache dans un terrier qu'il creuse avec ses pattes antérieures. Ce terrier se situe toujours en zone découverte, avec une ouverture le plus souvent orientée à l'est. Il est creusé dans des sols durs, mais aussi dans le sable des plages (35, 39, 42 cm de longueur sur une plage de la côte orientale de Saint-Martin). Les améives creusent souvent leurs terriers dans les talus le long des chemins, à la limite de la végétation et de la plage. Ils se dissimulent aussi sous les pierres, les cornes d'élan, les planches ou les bateaux tirés sur le sable. Leur capacité à creuser dans le sable est telle qu'ils s'y enterrent et ne ressortent pas obligatoirement par l'endroit par où ils sont entrés. Quand ils sont à l'intérieur, ils rebouchent l'entrée avec du sable qu'ils projettent avec leurs pattes postérieures. De ce point de vue, ils se comportent comme le poisson des sables (Scincus scincus) .
Les améives sont des lézards qui aiment la chaleur et donc le soleil qui est nécessaire à leur importante activité locomotrice. Le terrier constitue le gîte nocturne, mais également un lieu de refuge diurne notamment durant les pluies de l'hivernage. Suivant les milieux habités, le début de la période d'activité est plus ou moins tardif. En août, sur les façades de ces îles exposées à l'est, les améives sortent de leur terrier vers 8h et rentrent vers 15h, néanmoins, ils peuvent encore être dehors vers 17h. En revanche, sur les façades exposées à l'ouest, la sortie est plus tardive, souvent entre 9h et 10h et la période d'activité peut se poursuivre jusqu'à 17h30-18h suivant les conditions météorologiques du moment. Ces observations ponctuelles suggèrent que c'est l'élévation de la température du terrier qui est le facteur déclenchant la sortie des améives. Cependant, l'observation en captivité d'améives de Plée (analifera et plei) montre que ceux-ci ne sortent pas quand le soleil est caché, alors que l'intensité lumineuse et la température du terrarium (35°-39°C) restent identiques. La sortie est d'autant plus précoce que le soleil se montre tôt le matin. De la même manière, le coucher semble indépendant de la température du terrarium. La lumière pourrait aussi être le facteur, si la température est suffisante, déclenchant la sortie ou la rentrée des améives. De plus, ce sont les individus les plus petits qui sortent en premiers et rentrent le plus tard. Les données de Censky (1995a) indiquent des périodes d'activité des améives d'Anguilla entre 9h et 15h avec un maximum entre 11h et 14h.
Sitôt sorti de son terrier, l'améive gagne une zone ensoleillée sur laquelle il s'étale dans une position bien caractéristique, le corps bien aplati contre le sol, les pattes largement étalées ce qui lui permet de recevoir rapidement la chaleur par le sol déjà chaud, qui élève la température de sa face ventrale par conduction et les rayons du soleil qui chauffent directement son corps par rayonnement. Ce bain de soleil est nécessaire pour porter son métabolisme à un degré compatible avec la demande que requiert un comportement actif de chasse.
Ce grand besoin de chaleur demande de fréquentes pauses pour élever
la température corporelle. Les Téiidés sont parmi les Reptiles,
avec certains Gymnophthalmidés (p.234), Agamidés et Iguanidés,
ceux qui ont besoin d'une température moyenne la plus élevée.
De la fin novembre à février, Censky (1995a,b) a noté que
les améives de grande taille sont rares, elle a expliqué leur
disparition à cette période de l'année par une baisse de
la température moyenne de 3 °C, une diminution de la longueur des
jours et la présence de pluie quasi quotidienne empêchant ces améives
d' atteindre une température compatible avec leur activité. En
revanche, les jeunes de l'année présentant une plus grande surface
corporelle par rapport à leur volume se réchauffent donc plus
rapidement.
Ces conclusions sont en accord avec les observations que nous avons réalisées
en terrarium. Ainsi, les jeunes améives peuvent être actifs quand
les températures sont plus basses et les jours plus courts. Comme la
taille des proies consommées ne semble pas dépendre de la taille
de l'améive, l'inactivité temporaire des adultes limite la compétition
intra-spécifique ce qui favorise une croissance plus rapide des jeunes.
Une fois à bonne température, l'améive se met en chasse.
Il s'arrête alors, tourne sa tête, sort rapidement sa langue et
explore le "paysage odorant" . Il fouille dans la litière avec
ses pattes antérieures et creuse rapidement le sol guidé par son
odorat. Dans des substrats relativement meubles, il creuse parfois à
plus de 5cm de profondeur pour extraire un ver, une larve de coléoptère,
un insecte adulte ou tout autre proie souterraine. Il explore aussi toutes les
petites cavités, trous, interstices, fissures. . . de son milieu. Il
visite les anfractuosités des falaises. L'améive chasse aussi
à vue comme le montrent les mouvements latéraux et verticaux de
la tête avec ou sans langue sortie. Il attrape alors en surface des Arthropodes
(sauterelles, criquets, scorpions, araignées), mais aussi d'autres proies
comme les sphérodactyles (obs. pers., août 1996). Sur le bord d'une
mangrove à Saint-Martin en 1996 (aujourd'hui remplacée par des
constructions), nous avons vu un adulte manger un jeune bemard-1'ermite qu'il
avait extrait de sa coquille. Il procède de la même manière
avec les escargots. L'améive de Plée consomme aussi des fruits
(Hippomane mancinella, ...) et pourrait être un agent responsable de la
dissémination de certaines espèces (Solanum racemosum, Malpighia
sp.) dont il avale les graines avec les fruits (obs. pers). L'améive
de Plée a un régime très opportuniste. À Saint Martin,
nous en avons observé plusieurs s'en prendre à des os de poulets
d'où ils retiraient avec force des lambeaux de chair. À Tintamarre
un autre est venu lécher un pot de yaourt que nous lui tendions. Après
une séquence d'alimentation, l'améive poursuit l'exploration de
son domaine à la recherche d'autre nourriture. Il s'arrête parfois
au soleil pour se réchauffer ou poursuit son exploration à l'ombre
ou se réfugie dans son terrier.
Dans ces situations, l'améive observe les environs, tournant la tête
en tous sens et sortant la langue très fréquemment.
En terrarium, les améives de Plée acceptent n'importe quelle nourriture : vers de terre, vers de farine, coléoptères, criquets, araignées..., ils consomment aussi de la viande crue ou cuite, des oeufs, du jambon, du fromage, des fruits:tomates, raisins, cerises, mangues, melon, poires, bananes, kiwi. . . et il n'est pas rare qu'ils avalent des graines. Ils boivent aussi régulièrement. Sitôt à bonne température, ils explorent le terrarium, farfouillent dans le sable, sous les rochers et s'alimentent, puis ils regagnent le terrier où ils ont passé la nuit, ou ils en creusent un autre dont ils ressortiront quelque temps plus tard. Ils recommencent alors la même séquence d'activité. S'ils se sont bien nourris et même si la luminosité extérieure est encore importante, ils se "couchent" tôt (15h00) et assurent leur digestion par la chaleur élevée du sable.
À Anguilla, Censky ( 1 996) a réalisé, entre autres, par
l'analyse des contenus stomacaux, une étude approfondie sur le régime
alimentaire de cette espèce. Les proies les plus consommées sont
les coléoptères, suivis par les différents autres groupes
d'Arthropodes.
Des fruits, des graines et des oeufs d'anolis font également partie de
son régime alimentaire. En dépit d'une différence de taille
significative dans la population étudiée, les mâles étant
1,37 fois plus grands que les femelles, il ne semble pas exister de différences
dans la nature et la taille des proies consommées par les deux sexes
contrairement à ce qui est observé par exemple chez l'anolis de
Marie-Galante (p. 157). À Tintamarre, nous avons observé un améive
de Plée d'environ 35 cm de longueur totale consommer un criquet de près
de 5 cm de longueur, ce qui est nettement supérieur en taille à
une blatte de 3 ,4 cm considérée comme la taille maximale des
proies de cette espèce (Censky, 1996). En revanche, la taille des améives
semble fortement liée à la quantité de nourriture disponible.
Ainsi, les améives d'Anguilla sont nettement plus grands que ceux de
Dog Island, mais les mâles de cette population sont proportionnellement
moins grands (1,17) que les femelles. Selon Censky (1996), la taille des améives
de Dog Island n'est peut-être que la conséquence d'une moins grande
quantité et diversité de nourriture disponible (les améives
sont en compétition avec les berard-1'ermite), mais cette petite taille
peut aussi être une réponse génétique à des
faibles ressources alimentaires. Ainsi, les individus génétiquement
les plus petits seraient favorisés lors des manques de nourriture par
rapport aux individus les plus grands. Ces derniers, en tant que gros consommateurs,
sont alors sous-alimentés.
Durant leurs pérégrinations, les améives se rencontrent
fréquemment entre eux. Censky (1996) a montré que la taille du
domaine semble liée à la taille de l'améive, les plus grands
individus ayant les plus vastes domaines, ce qui est probablement lié
à des besoins alimentaires plus importants. La moyenne des domaines est
d'environ 1 200 m² avec des extrêmes allant de 95m² à
plus de 2600 m². Les domaines des différents individus se superposent
largement et seuls 15% de la surface de ceux-ci n'appartiennent qu'à
un seul animal. Lors des rencontres entre mâles, plusieurs comportements
sont observables :
- un mâle se précipite brusquement vers un autre et s'arrête
au bout d'un mètre de course ce qui entraîne le déplacement
de l ' autre ;
- un mâle se précipite en courant vers l'autre en adoptant une
démarche bipède tout comme celui qui fuit, cette poursuite se
déroule sur plusieurs mètres ;
- un autre comportement s'observe quand deux mâles arrivent lentement
l'un vers l'autre, marchant sur la pointe des pieds, le dos courbé, puis
décrivent un cercle en direction opposée.
La rencontre s'achève soit quand chaque lézard prend la direction opposée soit quand l'un poursuit l'autre en courant en position bipède. Il existe parfois des contacts physiques entre les deux individus qui se traduisent par des morsures à la tête ou au flanc, allant si la différence de taille est trop importante, jusqu'à la mort du plus jeune (obs. pers., avril 2000). La plupart des rencontres entre femelles se font sans comportement agressif, néanmoins certaines femelles de grande taille n'hésitent pas à poursuivre des femelles de taille inférieure.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
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- Reproduction - Disparition
-
Reproduction
L' améive de Plée présente une biologie de la
reproduction particulièrement intéressante. Elle a été
étudiée à Anguilla par Censky (1994, 1995a,b, 1996, 1997).
Les mâles atteignent leur maturité sexuelle à partir de
l'âge d'un an pour une longueur corporelle minimale de 62 mm et les femelles
à partir de 64 mm. En dehors de la période de reproduction, il
n'y a aucune interaction entre les mâles et les femelles. La sexe-ratio
est de un. Chez les femelles, l'activité des gonades semblerait liée
à une augmentation de la température moyenne et à un allongement
de la durée du jour. En revanche, chez les mâles, elle ne semblerait
liée qu'à l'accroissement de la photopériode. Ainsi, sur
le banc d' Anguilla, les améives débutent leurs activités
reproductrices à la fin mars, ils sont particulièrement actifs
de mai à août et ne le sont plus en octobre (p.258).
Durant de courtes périodes au cours de la saison de reproduction, les mâles montrent un intérêt tout particulier pour certaines femelles, en les "gardant". Ainsi, un mâle donné reste au contact d' une femelle et la suit quand elle se déplace pour se nourrir alors que l' inverse ne se produit pas. Quand un autre individu s'approche d'eux dans un rayon de 3 m, le mâle se précipite sur l'arrivant comme pour le chasser. Si l'individu est une femelle, il s'approche d'elle en dressant la tête et en se balançant d'une patte antérieure sur l'autre. Parfois, il cherche à copuler avec elle, mais il se fait rejeter. Si le nouveau venu est un mâle, il est poursuivi. Le poursuivant revient ensuite à sa femelle d'origine. Dans certains cas, l'arrivant peut repousser le mâle de garde et prendre sa place. La durée de garde varie d'un à quatre jours. Quand un mâle garde sa femelle, il passe peu de temps à se nourrir et consomme beaucoup d'énergie. De ce fait, ce système de reproduction ne peut se maintenir que là où les ressources alimentaires sont importantes et diversifiées. Lorsqu'une femelle gardée regagne son terrier, son mâle l'accompagne, bouche éventuellement l'entrée et passe jusqu'à une demi-heure à la surveiller, puis il repart. Ce comportement de garde du terrier s'observe surtout si les deux individus se sont accouplés au cours de la journée. Les femelles gardées sont celles qui possèdent des ovocytes matures, c'est-à-dire capables d'être fécondés (Censky, 1995a,b).
Les accouplements sont le fait du mâle de garde. Une femelle n'accepte
pas, quand elle est gardée par un mâle donné, de se faire
féconder par un autre mâle. Les copulations ont lieu la plupart
du temps juste avant que la femelle ne regagne son terrier ou alors dès
sa première émergence matinale, exceptionnellement à d'autres
moments. Quand un mâle veut s'accoupler, il avance lentement vers sa femelle
en remontant de la pointe de sa queue à son cloaque.
Cette première approche entraîne un déplacement de la femelle.
Le mâle recommence alors son manège ou décrit un cercle
pour lui faire face. Dans cette position, il fait frémir sa région
cloacale et l'extrémité de sa queue, puis se repose quelques minutes
et reprend ce frémissement. Après cette parade, il se replace
parallèlement à elle et remonte le long de sa queue. Si la femelle
ne se déplace pas, la copulation a lieu. Si elle se déplace, il
recommence cette séquence Ce sont les mâles de grande taille qui
assurent l'essentiel des fécondations parce qu'ils sont capables, par
leur force, de vaincre les mâles de taille
inférieure munis de mâchoires moins puissantes. Comme les femelles
gardées ne s'accouplent qu'avec leur garde au cours d'un cycle, la sélection
naturelle favoriserait les mâles les plus forts, ce qui accroîtrait
la différence de taille entre les deux sexes.
Censky (1997) a suggéré que les femelles d'Ameive plei montrent une préférence pour les mâles dont la taille corporelle (SVL) est supérieure à 130mm et rejettent ceux de longueur inférieure. L'interprétation proposée est que ces grands mâles ont une meilleure faculté à les garder et, de ce fait, comme elle s'accouplent moins, elles peuvent consacrer plus de temps à la recherche de la nourriture ce qui augmente leur succès reproducteur.
Une fois fécondée, la femelle disparaît un ou deux jours après l'accouplement pour une durée d'un à trois jours durant laquelle elle dépose probablement sa ponte. La taille de la ponte varie entre un et trois oeufs, les grosses femelles pondant davantage. Les femelles produisent le plus souvent deux voire trois pontes dans la saison. Plus la femelle est grande, moins la durée séparant deux pontes est longue. Chez les femelles de grande taille 2,5 semaines sont nécessaires entre deux pontes alors que les femelles de taille moyenne nécessitent entre 4 et 6 semaines. Les femelles de petite taille ne déposent qu'une ponte annuelle. Quand les ressources alimentaires sont moindres (Dog Island), il n'y a le plus souvent qu'une ponte annuelle. De plus, le système de garde n'est pas aussi poussé qu'avec des ressources abondantes. Les mâles ne gardent les femelles qu'un jour et les femelles acceptent de s'accoupler avec d'autres mâles.
La durée d'incubation n'est pas connue. Les nouveau-nés sont présents à partir de juin et jusqu'à septembre, ils sont sexuellement mûrs l'année suivante. La vitesse de croissance dépend des ressources alimentaires, les mâles grandissent plus vite que les femelles.
Les prédateurs des améives sont les couleuvres (Alsophis rijgersmaei), mais aussi les oiseaux (Margarops fuscatus) et le gli-gli (Falco sparverius). La prédation par cette dernière espèce semble importante sur les mornes de Saint-Barthélemy et sur le falaises des Terres-Basses à Saint-Martin (obs. pers. août 1996, avril 2000). Les chats sont des prédateur des améives et des anolis (obs. pers. à Saint-Barthélemy).
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Les causes de la disparition des améives
et des holotropides
Barbour (1914, 1930c) a supposé que la disparition des améives
dans certaines îles des Antilles et leu régression étaient
dues à l'introduction de la mangouste (Herpestes javanicus). Cette mangouste
était destinée essentiellement à la lutte contre les rats
qui détruisent la canne, mais aussi contre les serpents venimeux. On
attribue presque systématiquement la disparition de nombreuses espèces
de Reptiles dans les Petites Antilles à ce carnivore sans aucun élément
de preuve (Barbour, 1930c). Ainsi, Honegger (1981) n'a pas trouvé de
causes précises à la disparition d 'Ameiva major de Martinique
(p. 247), mais suspecte la mangouste. Cette supposition est totalement erronée
car Ameiva major habitait les îles de la Petite Terre qui n'ont jamais
abrité de mangoustes.
A Saint-Martin, l'améive et la mangouste sont très abondants.
Dans cette île, l'améive est localisé essentiellement sur
le littoral et nous l ' avons observé jusqu'à environ 120m d'altitude.
Son absence au-dessus de cette limite nous semble plus due à un problème
de milieu que de mangouste. En effet, la plupart des collines de Saint-Martin
sont déboisées et la végétation d'origine est remplacée
par des prairies d'herbes de Guinée (Panicum maximum) régulièrement
brûlées pour les besoins de l ' élevage et qui ne constituent
ni des milieux pour cette espèce, ni pour les autres lézards.
En revanche, à Saint-Barthélemy, où la mangouste est considérée
comme absente (p. 261), l'améive de Plée habite aussi le sommet
des mornes ensoleillés (281 m).
Baskin et Williams (1966) ont suggéré que la survie des améives dans les îles abritant des mangoustes était due à la fréquentation des villes et du voisinage des occupations humaines où ces prédateurs potentiels seraient moins abondants du fait de leur méfiance vis-à-vis de l'Homme. À Saint-Martin, les améives fréquentent les jardins (tout comme à Saint-Barthélemy), mais aussi les cordons littoraux dans les zones inhabitées. Des prospections seraient nécessaires dans les fourrés arborés xérophiles de Red Rock, où les mangoustes sont très nombreuses, pour préciser la situation dans cette zone non habitée. Saint-Martin montre un exemple de cohabitation entre la mangouste et l'améive et, comme l'ont fait remarquer Baskin et William (1966) : "La perturbation d'un équilibre original est, on doit le répéter, imprévisible : chaque cas particulier conduit à son unique conclusion" . Le rat est un autre prédateur des Reptiles et plus particulièrement de leurs oeufs dont l'action a totalement été sous-estimée (p.290).
Il est surprenant de noter que les seules îles où les améives
et/ou les cnémidophores ne sont pas présents sont les îles
françaises à l'exception de la Barbade (île sédimentaire
ne se trouvant pas sur les voies de colonisation habituelle) qui possède
un Macrotéiidé non endémique (Kentropix bomkiana), Sainte-Lucie
(les îles Maria abritent une petite population de Cnemidophorus vanzoi,
p.251) et Saba.
La mangouste a été jugée responsable de l'élimination
de nombreux Reptiles, mais la disparition des améives aux Saintes, à
la Désirade et à Petite Terre n'est pas due à ce carnivore
qui n'a jamais été introduit dans ces îles. Cette élimination
des améives et des holotropides de la Guadeloupe et de ses dépendances
proches est probablement un phénomène d'origine ancienne pour
les grandes îles. Les roquets (=holotropides) et les anolys (= améives)
ont été chassés par les Français car leur "graisse
en est bonne pour conserver les armes de la rouille" (Breton, 1647). En
effet, si ces lézards étaient, au XIX° siècle, aussi
abondants dans ces îles qu'ils le sont, par exemple, à Saint-Barthélemy
ou à Saint-Martin actuellement, il est très probable que les voyageurs
naturalistes en aient ramenés (Plée a collecté des améives
à Saint-Barth et L'Herminier à Petite Terre).
Sainte-Lucie et la Martinique ne possèdent plus (pas ?) d'ameives, mais
les mangoustes y sont particulièrement nombreuses, néanmoins,
ce carnivore n'était pas présent à l'époque des
Thibault de Chanvallon, Plée, Guyon, L'Herminier et Donzelot. Ces naturalistes
n'ont pas envoyé d'améives de ces îles au Muséum
alors qu'ils en ont capturés dans d'autres îles (Ameiva erythrocephala
à Saint-Christophe, sans compter ceux des Grandes Antilles : Ameiva lineolata
à Saint-Domingue et Ameiva auberi à Cuba). En revanche, les Alsophis,
Liophis et Leiocephalus y ont été capturés par ces naturalistes
et sont bien représentés dans les collections alors qu'ils ont
maintenant disparu où qu'ils sont en voie de disparition en Basse-Terre,
Grande-Terre et Martinique où la mangouste et les rats sont omniprésents.
Terre-de-Bas des Saintes était peuplé d'améives (p.243),
mais aujourd'hui, il n'y en a plus, en revanche les Alsophis sont encore là.
Les prédateurs introduits (rats, chats, chiens et dans certains cas
mangoustes), la chasse qui leur a été faite, la destruction de
l'habitat peuvent avoir contribué à fragiliser, ou éliminer
les populations d'holotropide roquet et d'améives de la Basse-Terre et
de la Grande-Terre, mais cela reste à démontrer.
Moins soumis à ces facteurs, ces lézards ont pu survivre dans
des petits îlots.
La Guadeloupe a connu à la fin du XVII° siècle et au début du XVIII° 4 cyclones (1 août 1699, 4-5 septembre 1713, 31 octobre 1715, 16 août 1723), puis trois autres le 29 août 1738, le 11 septembre 1740 et le 9 août 1742. Marie-Galante et le Petit cul-de-sac ont été particulièrement éprouvés (Abenon, 1999). Les trois derniers cyclones du XVIII° se sont succédés de manière très rapprochée, leurs effets se sont donc cumulés. Comme le montrent les observations sur les iguanes (p.134), les jeunes résistent moins bien que les adultes aux effets d'un cyclone. L'holotropide roquet habitait essentiellement le littoral et les petites îles dans les culs-de-sacs de la Guadeloupe (Du Tertre, 1667). À la suite des houles cycloniques (2,5 à 3 m pour celle d'Hugo en 1989) qui provoquent le noyage des nids, la destruction de la flore et de la faune dont ils se nourrissent, sans parler des effets du vent, il n'y a pas dû y avoir de production de jeunes holotropides et de jeunes améives en 1738, 1740 et 1742. Durant un cyclone, les plages sont rabotées de plusieurs mètres et le sable est entraîné à la mer ce qui participe aussi à la destruction de leur habitat. Faute de jeunes et compte tenu de la mortalité importante des adultes, les populations micro-insulaires et littorales de l'holotropide roquet et d'améives se sont éteintes. De plus, l'utilisation croissante du littoral pour l'habitation a sans doute été un facteur contribuant à la fragmentation de l'habitat et à l'élimination des espèces de ce milieu.
Ces conclusions sont renforcées par le travail de Spiller et al. (1998)
qui ont étudié l'impact du cyclone Lili d'octobre 1996 sur différentes
îles des Bahamas. Ces auteurs arrivent aux conclusions suivantes :
- les extinctions catastrophiques de lézards ont eu lieu sur des îles
de petite taille et de faible altitude pour être inondée complètement
(augmentation du niveau de la mer associé à Lili : 5 m) ;
- compte tenu de leurs faibles possibilités de colonisation, l'absence
de lézards de la plupart des îles peut représenter littéralement
le niveau maximal atteint par la mer lors des précédents cyclones.
Si pour les grandes îles, les causes de disparition sont multiples, il
semble maintenant bien établi que la disparition des améives et
des holotropides sur les îles basses soit due à leur submersion
par la mer.
© Histoire
naturelle des amphibiens et reptiles terrestres de l'archipel guadeloupéen
Michel BREUIL - Ed.Museum national d'histoire
naturelle de Paris (Paris- 2002)
webmaster : Action-Nature (2003)