Anolis gingivinus Cope, 1864 |
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par Michel BREUIL *
Systématique -
Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction -
Systématique
Syntypes
: BMNH 1946.8.29. 18-20 (non vus)
Localité-type : "Anguilla
Rock near Trinidad", localité-type restreinte par Lazell (1972)
à Sandy Ground, Anguilla. Restriction non valide (p. 5).
Synonymes : Anolis virgatus, Garman,
1887b
Le nom de cette espèce a été donné probablement
en référence à la bande latérale claire qui évoquerait
des gencives (Underwood, 1962) se détachant sur un fond plus sombre,
mais ceci n'est qu'une hypothèse.
Pour cette espèce, nous proposons le nom commun d' Anolis d'Anguilla
par référence au nom du banc d'îles qu'il habite.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction -
Description - Diagnose
L'Anolis d'Anguilla est un anolis de taille moyenne, la longueur corporelle
des mâles atteignant 72 mm, celle des femelles 53mm, mais ces valeurs
sont des extrêmes, la taille moyenne se situant vers 60mm pour les mâles
et 50mm pour les femelles (Roughgarden, 1995). Les caractéristiques de
l'écaillure sont présentées par Lazell (1972). La couleur
dorsale varie du vert olive terne au vert clair. Les dessins dorsaux des mâles
consistent en une bande médio-dorsale qui s'éclaircit ou fonce
chez le même individu et une large bande latérale blanche, crème
ou jaunâtre qui s'étend de l'aisselle à l'aine. Entre les
bandes, des points et des fines marbrures gris-brun
forment un treillis plus ou moins prononcé. Le changement de couleur
consiste en un assombrissement, mettant en évidence les différents
dessins et souvent i'apparition d'une teinte marron plus ou moins rouille (p.
162). La face ventrale varie du crème au jaune vif. Le fanon est jaune-orangé
avec des écailles blanches. Les femelles, comme pour toutes les espèces
d'anolis de l'archipel Guadeloupéen, présentent une coloration
terne, mais possèdent aussi cette bande latérale claire.
Répartition dans l'archipel Guadeloupéen
L'anolis d'Anguilla habite toute la superficie de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy
et la plupart des Ilets satellites (Lazell, 1972). Sur ces deux îles,
il est présent du niveau de la mer au sommet (Pic du Paradis à
St-Martin, Morne Vitet à St-Barthelémy).
Les populations de Saint-Martin sont néanmoins morcelées entre
autres à cause de l'existence de grandes surfaces herbeuses incompatibles
avec les exigences de cette espèce. L'anolis d'Anguilla est présent
à l'îlet Pinel, à l'îlet Tintamarre, où il
est plutôt localisé sur la côte nord qui abrite un beau peuplement
de gaïac et de mapou, et à l'îlet Coco.
Sa présence est à rechercher sur les petits îlets (Rocher
Crowl, Rocher de l'Anse Marcel, Petite Clef, Caye Verte, Rochers de l'Embouchure).
À Saint-Barthélemy, l'anolis d'Anguilla est omniprésent, à l'exception des quelques surfaces entièrement herbeuses qui abritent toutefois quelques individus dans des chaos rocheux ou dans des bosquets plus ou moins développés. Dans les milieux trop ventés (partie Est de Saint-Barthélemy), les anolis sont limités aux rares arbres leur fournissant des perches, mais ils fréquentent aussi les falaises rocheuses. Tous les îlets satellites de Saint-Barthélemy (Toc Vers, Frégate, Chevreau, Fourchu, Pelé), couverts d'un peu de végétation, sont aussi habités par les anolis (Lazell, 1972;Schwartz et Henderson, 1991) et nous l'avons aussi trouvé à Petite Islette et à Îlet au vent (obs. pers., août 2000).
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
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Répartition locale
L'anolis d'Anguilla est endémique de ce banc d'îles.
Il est présent à Anguilla qui en est la localité-type,
à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy ainsi que sur tous
les petits îlots qui possèdent une végétation quelque
peu développée (arbustes). On le rencontre en dehors du banc d'Anguilla
à Sombrero (Lazell, 1972). Aucune sous-espèce n'a été
décrite malgré le fractionnement du banc d'Anguilla. Ainsi, il
y a environ 18 000ans, le niveau de la mer était quelque cent mètres
plus bas et la surface exondée atteignait environ 2500 km2 alors que
la surface des îles est actuellement de 175 km² (Biknevicius et al.,
1993). Cette surface aurait même était réduite à
150 km² durant le dernier interglaciaire, période plus chaude que
la période actuelle, au cours duquel le niveau de l'eau était
de 1m à 8m supérieur à son niveau actuel (Biknevicius et
al., 1993). Ainsi, depuis 200 000 ans, la surface exondée du banc d'Anguilla
a connu alternativement des périodes de contraction et d'extension atteignant
un facteur 20 (McFarlane et al., 1998) qui auraient pu être à l
' origine de différenciation entre les populations des différentes
îles du banc. Roughgarden (1995) a suggéré, en se fondant
sur des données archéologiques et les fossiles d'anolis de cette
île, que les Arawaks auraient été responsables de l'introduction
d' Anolis gingivinus sur le banc d'Anguilla. Cette arrivée aurait été
à l'origine de la disparition d'Anolis pogus
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- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
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Habitat
L'anolis d'Anguilla possède une grande valence écologique.
Il est omniprésent du niveau de la mer au sommet des mornes dans les
milieux qui possèdent des arbres ou des supports sur lesquels il se perche.
Sa répartition à Saint-Martin a probablement changé dans
les temps historiques avec la destruction d'une grande partie de la végétation
boisée du sommet des mornes pour planter de la canne à sucre (XVII°-XVIII°
siècles). Ensuite, les besoins de l'élevage (XX° siècle)
ont contribué à détruire la végétation des
mornes. Aujourd'hui encore, de nombreuses surfaces sont brûlées
ce qui a pour effet de tuer les rares Reptiles ayant réussi à
re-coloniser les territoires perdus. Ces surfaces ont remplacé un milieu
plus ou moins arboré par un tapis d'herbe de Guinée totalement
impropre à la biologie de cette espèce et des autres Reptiles.
À Saint-Martin, les habitats naturels fréquentés par cet anolis sont très divers : plage et arrière-plage à raisinier bord de mer, bois à mancenillier, mangrove, bois à gaïac et mapou, taillis et buissons à ti-baume, forêt secondaire mésophile du pic du Paradis (424 m), chaos rocheux, falaises et plages. Les milieux perturbés préférés sont les murets de pierre, les poteaux des clôtures, les murs des maisons, les haies, les arbres de cultures (manguiers, tamariniers, cocotiers, palmiers), les décharges, les carcasses de voitures... Comme pour de nombreux autres anolis, les constructions humaines constituent des milieux de substitution exploités quasi systématiquement par cette espèce. Selon Williams (1962a), les Anolis gingivinus de Saint-Martin occupent à la fois les arbres et les rochers alors que ceux d' Anguilla sont inféodés uniquement aux rochers. Cette constatation est à moduler car il existe, à Saint-Martin, des populations d'Anolis gingivinus qui vivent sur les rochers des plages sans arbres et qui cohabitent avec Hemidactylus mabouia.
À Saint-Barthélemy, l'espèce occupe les mêmes milieux. Les anolis sont particulièrement abondants dans les formations boisées de l'île et sur les différents murets qui délimitent les parcelles. Ils fréquentent également les petites ravines humides. Les palmiers lataniers (Latania commersonii) sont la plupart du temps la perche d' un anolis mâle. Il existe des populations importantes au sommet des mornes (entre le Morne de Grand Fond et le Morue Rouge) dont la végétation est plus clairsemée, mais par endroits riches en cactus cierges.
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Biologie-Écologie
L'anolis d'Anguilla est une espèce diurne active dès
l'aube, mais aussi nocturne pour certains individus vivant autour et dans les
habitations. Ils profitent des insectes attirés par les éclairages
et se chauffent parfois dessus. Cette espèce est donc active, parfois
toute la nuit, pour des températures de l'ordre de 27-30°C et n'a
pas besoin de s'exposer au soleil pour atteindre une température compatible
avec son activité.
En milieu de journée, les anolis d'Anguilla restent le plus souvent sur
leurs perchoirs et cherchent leur nourriture au sol en début et en fin
de journée.
Les anolis se nourrissent d'invertébrés divers et de tailles
différentes. Ils consomment aussi bien des fourmis et des termites que
des insectes de plus grande taille comme des coléoptères et des
diptères.
Ils s'attaquent aussi à des petits scorpions, des araignées et
des mille-pattes (obs. pers., juillet-août 1996). À l'occasion,
ils s'en prennent à des jeunes et des adultes d'Anolis pogus (comportement
également signalé par Schwartz et Henderson, 1991), mais ne pratiquent
qu'exceptionnellement le cannibalisme.
Au Pic du Paradis, nous en avons vu aussi manger un sphérodactyle (Sphaerodactylus
parvus), proie qui n'est pas signalée par Roughgarden (1995). D'une manière
générale, les gros individus sélectionnent des proies plus
grandes. Le temps de chasse. est estimé à environ 3,5 heures par
jour (Roughgarden, 1995).
Shafir et Roughgarden (1998) ont étudié le comportement alimentaire
des femelles de cette espèce à Anguilla. Ainsi, leurs expériences
et leurs observations ont montré que la probabilité qu'un individu
attaque une proie décroît suivant une courbe sigmoïde représentant
la distance qui les sépare. Le point d'inflexion de la courbe définit
une distance de décision (attaque ou pas) qui augmente avec la taille
de la proie. De plus, cette distance diminue avec l'abondance des proies et
augmente avec leur raréfaction.
Les anolis ont la capacité d' adapter leur comportement de prise alimentaire
en fonction de différents facteurs du milieu (distance à parcourir,
taille et abondance des proies). Ils maximiseraient ainsi le rapport entre l'énergie
apportée par la consommation de la proie et l'énergie dépensée
pour la capturer.
Les techniques de chasse sont différentes d' un individu à l'autre. Ainsi, les mâles dominants surveillent de leurs perchoirs une portion de leur territoire Quand ils repèrent une proie potentielle, ils descendent précipitamment sur elle et l'attrapent rapidement; si d'autres proies se présentent à côté, ils continuent de les chasser, puis remontent sur leur perche. Les jeunes et les femelles chassent plutôt à partir du sol. Certains remontent ou descendent les branches et attrapent une à une les fourmis qui s'y déplacent en colonne (obs, pers., été 96).
Comme l'a montré Roughgarden (revue in Roughgarden, 1995) à Saint-Martin, Anolis gingivinus est le plus abondant (50 anolis / 100 m2), au niveau de la mer, en l'absence d’ Anolis pogus, là où les insectes sont les plus nombreux. De ce fait, la quantité de nourriture disponible apparaît comme un élément réglant la densité de cette espèce. En revanche, sur les mornes du centre où Anolis pogus est présent, pour des mêmes quantités d'insectes, les densités d'Anolis gingivinus sont inférieures. Cette situation assez exceptionnelle a été à l'origine de différentes expériences destinées à mettre en évidence les facteurs gouvernant la répartition et l'abondance de ces deux espèces d'anolis.
Dans les sites où les deux espèces sont présentes, Anolis gingivinus se poste à une plus grande hauteur, Anolis pogus occupant les places les moins élevées sur les perches (p. 198). De plus, selon Roughgarden (1995), Anolis pogus ne se rencontre que dans les hauteurs de Saint-Martin où les conditions climatiques sont plus fraîches. Ces observations vont dans le sens d'une compétition entre les deux espèces. Une deuxième hypothèse peut-être avancée: Anolis gingivinus est une espèce plutôt de milieux arides et Anolis pogus une espèce de milieux humides. Selon cette hypothèse, les mornes du centre de Saint-Martin constituent des habitats marginaux pour Anolis gingivinus et les zones de basses altitudes pour Anolis pogus. Le déplacement des Anolis gingivinus plus haut sur les perches ne serait qu'un moyen d'accéder à un peu plus de chaleur (Roughgarden, 1995). Cette dernière hypothèse nous semble peu probable, les différences de températures n'étant pas significatives dans la forêt du Pic du Paradis entre le sol et 2 m de hauteur. Une troisième hypothèse a été développée par Schall (1992). Cet auteur voit dans un parasite (Plasmodium azurophilum) qui provoque la malaria des anolis, le facteur qui explique la distribution actuelle des deux espèces d'anolis à Saint-Martin (p. 164).
Pour tester l'existence d'une compétition entre les deux espèces
d'Anolis, Roughgarden et al. (1984) ont réalisé dans un premier
temps trois expériences d' introduction avec des Anolis pogus de Saint-Martin.
Celles-ci se sont déroulées à Anguillita, un petit îlot
situé à l'ouest d'Anguilla peuplé par une population d’Anolis
gingivinus. Une première expérience montre que 8 mois après
l'introduction des Anolis pogus, l'effectif des Anolis gingivinus n'a pas varié
(environ 200) alors que sur les 103 Anolis pogus introduits, seuls 15 individus
ont de nouveau été observés. Ceux-ci ont été
recapturés en périphérie du site, là où la
végétation est la plus basse. Dans une deuxième expérience
réalisée sur un autre site de bord de mer, avec la même
densité d' Anolis gingivinus (116 pour 260 m2), 35% des Anolis
gingivinus ont été retirés et 55 Anolis pogus introduits.
Sept mois plus tard, un nouveau comptage a montré que la population de
gingivinus avait retrouvé sa taille initiale et que seuls 16 Anolis pogus
survivaient encore. Dans cette deuxième expérience, les Anolis
pogus ont eu une espérance de vie qui a doublé puisque l'on retrouve
le même nombre pour deux fois moins d'individus introduits. Une troisième
expérience où 50% des Anolis gingivinus ont été
retirés montre la même tendance. L'expérience témoin
a consisté à introduire une population d' Anolis pogus dans un
milieu comparable dépourvu d'Anolis gingivinus. Les résultats
montrent que cette espèce survit bien si elle est seule au niveau de
la mer et se reproduit, ce qu'elle fait aussi en présence d’Anolis
gingivinus. Ces travaux montrent que Anolis pogus n'est pas une espèce
physiologiquement incapable de se reproduire au niveau de la mer. Nos observations
de terrain vont également dans ce sens : nous avons en effet trouvé
Anolis pogus au niveau de la mer à Petites Cayes et Anse Marcel dans
des milieux aussi peuplés par Anolis gingivinus.
Dans un second temps, Roughgarden et al. (1984) ont réalisé à
Saint-Martin, 4 enclos expérimentaux contenant 100 Anolis gingivinus
chacun, deux d'entre eux, situés dans l'aire de répartition d’Anolis
pogus, contenait en plus 60 Anolis pogus, les deux autres servaient de témoins.
Pendant 5 mois d'affilée, dans chaque enclos, ces auteurs ont capturé
tous les Anolis gingivinus, les ont mesurés et pesés, puis remis
en place. A la fin de l'expérience, la plupart des animaux ont été
sacrifiés pour quantifier leur état reproducteur et étudier
la nature et l'importance de leur alimentation.
Cette expérience a montré d'une part, qu'en présence d'
Anolis pogus, la croissance des Anolis gingivinus était plus réduite
aussi bien chez les mâles que chez les femelles et d'autre part, même
si les mêmes tailles sont atteintes, que le volume total des oeufs était
environ 3 fois inférieur. De plus les estomacs étaient entre 2
et 3 fois moins remplis et les anolis se perchaient en moyenne 2 à 3
fois plus haut.
Ainsi, ces expériences montreraient l'existence d'une compétition entre ces deux espèces d'Anolis. Au niveau de la mer Anolis pogus est incapable de s'implanter dans un milieu aride déjà peuplé par Anolis gingivinus. Selon Roughgarden et al. (19È3a,b), cette situation est due à une plus forte perte d ' eau par unité de surface chez Anolis pogus que chez Anolis gingivinus. Ainsi, Anolis pogus aurait à sa disposition moins de micro habitats susceptibles d'être occupés, car un certain nombre d'entre eux sont déjà occupés par Anolis gingivinus. Bien que ces deux anolis aient la même température corporelle quand ils cohabitent, Anolis gingivinus halète à partir d'une température de 36,8°C, mais en général pour des températures supérieures à 38,5°C alors qu' Anolis pogus halète à partir de 35°C et le plus souvent pour des températures autour de 37 °C.
Sur les mornes du centre de Saint-Martin, la compétition entre ces deux
espèces .se manifeste d'au moins trois façons différentes.
Anolis gingivinus utilise des proies qui sont mangées par Anolis pogus,
ces deux lézards utilisent des territoires qu'ils défendent ou
attaquent et la prédation entre ces deux espèces est un comportement
habituel dont l'importance n'est pas connue (Roughgarden et al., 1983a,b).
Selon ces auteurs, l'importance de ces trois facteurs de compétition
augmente dans les milieux arides, ce qui a conduit à l'élimination
progressive d'Anolis pogus des zones de basse altitude.
Cependant, il existe un autre facteur intervenant dans la compétition
entre ces deux espèces d'anolis qui a été ignoré
par Roughgarden (1995), c'est la présence de la malaria des anolis provoquée
par un protozoaire parasite Plasmodium azurophilum
(Schall, 1992). Ses travaux ont montré que :
- Anolis gingivinus, l'espèce la plus compétitive est fréquemment
infectée par le parasite responsable de cette maladie, alors qu'Anolis
pogus ne l'est quasiment pas.
- Ce parasite possède une répartition calquée sur celle
d'Anolis pogus.
- Anolis pogus habite essentiellement les localités où Anolis
gingivinus est infecté.
- les Anolis gingivinus infectés présentent des globules rouges
avec de plus faibles quantités d'hémoglobine ce qui limite l'apport
d'oxygène aux cellules et donc leur production d'énergie, de plus
ce parasite touche aussi les cellules du système immunitaire (globules
blancs). Ces deux types de Plasmodium sont maintenant considérés
comme deux espèces différentes (Perkins, 2001) ;
- Les mâles d'Anolis gingivinus infectés présentent un plus
fort taux de queue cassée par rapport aux individus sains.
Tous ces éléments contribuent à diminuer les capacités de défense des Anolis gingivinus ainsi que leur fécondité, de ce fait la compétition serait moins intense et Anolis pogus pourrait se maintenir. Ainsi, selon Schall (1992), la distribution des deux espèces d'anolis à Saint-Martin pourrait dépendre uniquement des caractéristiques du micro-habitat du vecteur du parasite, qui n'est d'ailleurs actuellement pas connu.
Staats et Schall (1996) ont montré qu'à Saint-Martin Anolis gingivinus est parasité par Plasmodium azurophilum et Plasmodium floridense, alors que seul Plasmodium floridense est présent à Anguilla et l'autre espèce à Saint-Barthélemy. De plus, Anolis pogus est aussi parasité par Plasmodium azurophilum. Ces nouvelles données montrent que le scénario de Schall (1992) doit être revu.
Toutes ces hypothèses et reconstructions sont fondées sur des
données incomplètes : celles de la répartition exacte d'Anolis
pogus. Il aurait été intéressant de savoir si dans les
expériences d'enclos et d'introduction (Roughgarden, 1995), les Anolis
gingivinus étaient atteints de malaria. En l'absence de cette information,
les conclusions tirées sont un peu sujettes à caution. Selon tous
ces auteurs, Anolis pogus a une distribution limitée aux mornes du centre
de Saint-Martin. Cette vision est très réductrice, elle résulte
d'une très mauvaise prospection de l'île.
L'exploration du nord-est de Saint-Martin, réalisée en juillet
1996, nous a permis de découvrir plusieurs petites populations d' Anolis
pogus, dont certaines au niveau de la mer. Faute de temps, nous n'avons pu regarder
de près la nature des relations entre les deux espèces d'anolis
dans ces sites. Il serait intéressant de voir si les Anolis gingivinus
y sont aussi atteints de malaria.
à Anguilla, les anolis sont la proie préférée des
couleuvres, mais à Saint-Martin, où Alsophis rijgersmaei est très
rare (p. 293), l'impact de la prédation par cette espèce doit
y être faible à l'inverse de Saint-Barthélemy où
ce serpent est mieux représenté. A Saint-Barthélemy les
prédateurs des anolis qui semblent les plus importants sont les gli-gli
(Falco sparverius).
À Saint-Martin, McLaughlin et Roughgarden (1989) ont montré que
la grive corossol (Margarops fuscatus) est un prédateur important des
deux espèces d'anolis. Elle participe, de manière significative,
à la diminution du nombre d'anolis durant la saison sèche de janvier
à juillet. Anolis gingivinus est parasité par une espèce
de vers (Cestoda : Linstowiidae) Oochoristica maccoyi (Bursey et Goldberg, 1996).
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction -
Reproduction
Dans les îles sèches où le Carême est bien marqué,
la saison de reproduction coïncide avec le début des pluies. Nous
avons observé des accouplements d'Anolis gingivinus durant la seconde
moitié de juillet et au début août à Saint-Martin
et durant la première moitié d'août à Saint-Barthélemy,
mais aucun en avril, dates de nos autres séjours respectifs dans ces
deux îles.
À 6h40 du matin, en juillet, à Saint-Martin, nous avons noté
toute la séquence de parade et d'accouplement d'Anolis gingivinus. Le
mâle était immobile sur le bord d'un parapet, quand une femelle
est arrivée lentement en face de lui. Le mâle a exhibé deux
fois son fanon (environ 6 secondes), puis s'est approché rapidement de
la femelle et a tenté de la monter. La femelle s'est dégagée,
mais est restée sur place. Le mâle a de nouveau essayé de
s'accoupler immédiatement. La femelle s'est dégagée rapidement
et s'est éloignée. Le mâle l'a rattrapée au cours
de sa fuite, l'a montée, mais ne l'a pas saisie entre ses mâchoires.
La copulation a commencé par de vigoureux coups de bassin (20 secondes),
puis les individus sont restés immobiles, le corps du mâle plié
en S au-dessus de la femelle et les queues plus ou moins enroulées. Puis
le mâle s'est dégagé, son hémipénis gauche
rouge écarlate encore sorti en doigt de gant.
L'accouplement proprement dit a duré 2 minutes et 10 secondes. Les deux
individus se sont éloignés de quelques centimètres, le
mâle abaissant son fanon 3 fois pendant 15 secondes ; les deux individus
se sont quittés et ont repris leurs activités.
L'observation de quelques jeunes (longueur totale 45-50mm) à Saint-Martin
et à Saint-Barthélemy à cette époque de l'année
suggère, compte tenu d'une période d'incubation de l'ordre de
40-50 jours par référence avec d'autres espèces d'anolis
de même taille, que les premiers accouplements ont lieu en juin. Les données
de McLaughlin et Roughgarden (1989) ont montré qu'après la période
de creux de populations où les effectifs sont au plus bas début
juillet, la population n'atteint son effectif précédent qu'à
partir de septembre. Il existe donc un décalage d'environ 2,5 mois entre
le début de la saison des pluies et le retour de la population à
son effectif initial.
Cela signifie que la majorité des éclosions a eu lieu en août-septembre
et donc que les accouplements débutent en juin-juillet avec la reprise
des pluies.
En utilisant des anolis marqués, Roughgarden (1995) a précisé les caractéristiques de la croissance d'Anolis gingivinus de Saint-Martin. Pour de jeunes anolis, la croissance maximale est d'environ 0,2 mm par jour et elle diminue régulièrement avec l'âge. Les mâles achèvent leur croissance pour une taille moyenne d'environ 63 mm de longueur corporelle et les femelles de 50 mm.
La vie d'une femelle d'Anolis gingivinus se découpe en 3 phases (Roughgarden,
1995) :
-Une phase de croissance de l'éclosion à la fin de la phase juvénile
(jusqu'à 40mm de taille corporelle);
-Une phase de transition où la croissance se poursuit moins rapidement
(de 40 à 50 mm) et où elle produit ses premiers œufs ;
-Et une phase de reproduction durant laquelle il n'y a presque plus de croissance
et où toute l'énergie de la nourriture, en dehors de celle de
maintenance, est investie dans la reproduction.
Pour les mâles, qui ont la même taille à la naissance que
les femelles, la phase de transition se situe pour des longueurs corporelles
comprises entre 55 et 65 mm. La croissance est rapide et la maturité
sexuelle est atteinte pour la saison des pluies suivante. Selon Lazell (1972),
la maturité sexuelle apparaît à partir d'une taille d 42
mm pour les mâles et de 41 mm pour les femelles
L'espérance de vie au Pic du Paradis est de l'ordre de 7,5 mois si on
admet que la prédation n'est due qu'aux grives (Margarops), ce qui signifie
que la majorité des anolis de ce site ne vit qu'un an et que le renouvellement
de la population est très rapide (McLaughlin et Roughgarden, 1989). Cependant
comme dans cette localité, la prédation est importante et qu'elle
est responsable de la division de l'effectif maximal par deux, on peut supposer
qu'en l'absence de cette prédation avienne, l'espérance de vie
est le double et que certains individus atteindraient l'âge de 3 ans.
D'une manière générale, les anolis pondent 2 oeufs tous les quinze jours durant la saison de reproduction, mais il n'existe pas de données précises sur les pontes des anolis de l'archipel Guadeloupéen.
© Histoire
naturelle des amphibiens et reptiles terrestres de l'archipel guadeloupéen
Michel BREUIL - Ed.Museum national d'histoire
naturelle de Paris (Paris- 2002)
webmaster : Action-Nature (2003)