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Anolis gingivinus Cope, 1864
Anolis d'Anguilla

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par Michel BREUIL *

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Systématique - Description - Répartition dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale - Habitat - Biologie-Écologie - Reproduction -

 

Systématique
Syntypes : BMNH 1946.8.29. 18-20 (non vus)
Localité-type : "Anguilla Rock near Trinidad", localité-type restreinte par Lazell (1972) à Sandy Ground, Anguilla. Restriction non valide (p. 5).
Synonymes : Anolis virgatus, Garman, 1887b

Le nom de cette espèce a été donné probablement en référence à la bande latérale claire qui évoquerait des gencives (Underwood, 1962) se détachant sur un fond plus sombre, mais ceci n'est qu'une hypothèse.
Pour cette espèce, nous proposons le nom commun d' Anolis d'Anguilla par référence au nom du banc d'îles qu'il habite.

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Description - Diagnose
L'Anolis d'Anguilla est un anolis de taille moyenne, la longueur corporelle des mâles atteignant 72 mm, celle des femelles 53mm, mais ces valeurs sont des extrêmes, la taille moyenne se situant vers 60mm pour les mâles et 50mm pour les femelles (Roughgarden, 1995). Les caractéristiques de l'écaillure sont présentées par Lazell (1972). La couleur dorsale varie du vert olive terne au vert clair. Les dessins dorsaux des mâles consistent en une bande médio-dorsale qui s'éclaircit ou fonce chez le même individu et une large bande latérale blanche, crème ou jaunâtre qui s'étend de l'aisselle à l'aine. Entre les bandes, des points et des fines marbrures gris-brun
forment un treillis plus ou moins prononcé. Le changement de couleur consiste en un assombrissement, mettant en évidence les différents dessins et souvent i'apparition d'une teinte marron plus ou moins rouille (p. 162). La face ventrale varie du crème au jaune vif. Le fanon est jaune-orangé avec des écailles blanches. Les femelles, comme pour toutes les espèces d'anolis de l'archipel Guadeloupéen, présentent une coloration terne, mais possèdent aussi cette bande latérale claire.

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Répartition dans l'archipel Guadeloupéen
L'anolis d'Anguilla habite toute la superficie de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy et la plupart des Ilets satellites (Lazell, 1972). Sur ces deux îles, il est présent du niveau de la mer au sommet (Pic du Paradis à St-Martin, Morne Vitet à St-Barthelémy).

Les populations de Saint-Martin sont néanmoins morcelées entre autres à cause de l'existence de grandes surfaces herbeuses incompatibles avec les exigences de cette espèce. L'anolis d'Anguilla est présent à l'îlet Pinel, à l'îlet Tintamarre, où il est plutôt localisé sur la côte nord qui abrite un beau peuplement de gaïac et de mapou, et à l'îlet Coco.
Sa présence est à rechercher sur les petits îlets (Rocher Crowl, Rocher de l'Anse Marcel, Petite Clef, Caye Verte, Rochers de l'Embouchure).

À Saint-Barthélemy, l'anolis d'Anguilla est omniprésent, à l'exception des quelques surfaces entièrement herbeuses qui abritent toutefois quelques individus dans des chaos rocheux ou dans des bosquets plus ou moins développés. Dans les milieux trop ventés (partie Est de Saint-Barthélemy), les anolis sont limités aux rares arbres leur fournissant des perches, mais ils fréquentent aussi les falaises rocheuses. Tous les îlets satellites de Saint-Barthélemy (Toc Vers, Frégate, Chevreau, Fourchu, Pelé), couverts d'un peu de végétation, sont aussi habités par les anolis (Lazell, 1972;Schwartz et Henderson, 1991) et nous l'avons aussi trouvé à Petite Islette et à Îlet au vent (obs. pers., août 2000).

 

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Répartition locale
L'anolis d'Anguilla est endémique de ce banc d'îles.
Il est présent à Anguilla qui en est la localité-type, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy ainsi que sur tous les petits îlots qui possèdent une végétation quelque peu développée (arbustes). On le rencontre en dehors du banc d'Anguilla à Sombrero (Lazell, 1972). Aucune sous-espèce n'a été décrite malgré le fractionnement du banc d'Anguilla. Ainsi, il y a environ 18 000ans, le niveau de la mer était quelque cent mètres plus bas et la surface exondée atteignait environ 2500 km2 alors que la surface des îles est actuellement de 175 km² (Biknevicius et al., 1993). Cette surface aurait même était réduite à 150 km² durant le dernier interglaciaire, période plus chaude que la période actuelle, au cours duquel le niveau de l'eau était de 1m à 8m supérieur à son niveau actuel (Biknevicius et al., 1993). Ainsi, depuis 200 000 ans, la surface exondée du banc d'Anguilla a connu alternativement des périodes de contraction et d'extension atteignant un facteur 20 (McFarlane et al., 1998) qui auraient pu être à l ' origine de différenciation entre les populations des différentes îles du banc. Roughgarden (1995) a suggéré, en se fondant sur des données archéologiques et les fossiles d'anolis de cette île, que les Arawaks auraient été responsables de l'introduction d' Anolis gingivinus sur le banc d'Anguilla. Cette arrivée aurait été à l'origine de la disparition d'Anolis pogus

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Habitat
L'anolis d'Anguilla possède une grande valence écologique. Il est omniprésent du niveau de la mer au sommet des mornes dans les milieux qui possèdent des arbres ou des supports sur lesquels il se perche. Sa répartition à Saint-Martin a probablement changé dans les temps historiques avec la destruction d'une grande partie de la végétation boisée du sommet des mornes pour planter de la canne à sucre (XVII°-XVIII° siècles). Ensuite, les besoins de l'élevage (XX° siècle) ont contribué à détruire la végétation des mornes. Aujourd'hui encore, de nombreuses surfaces sont brûlées ce qui a pour effet de tuer les rares Reptiles ayant réussi à re-coloniser les territoires perdus. Ces surfaces ont remplacé un milieu plus ou moins arboré par un tapis d'herbe de Guinée totalement impropre à la biologie de cette espèce et des autres Reptiles.

À Saint-Martin, les habitats naturels fréquentés par cet anolis sont très divers : plage et arrière-plage à raisinier bord de mer, bois à mancenillier, mangrove, bois à gaïac et mapou, taillis et buissons à ti-baume, forêt secondaire mésophile du pic du Paradis (424 m), chaos rocheux, falaises et plages. Les milieux perturbés préférés sont les murets de pierre, les poteaux des clôtures, les murs des maisons, les haies, les arbres de cultures (manguiers, tamariniers, cocotiers, palmiers), les décharges, les carcasses de voitures... Comme pour de nombreux autres anolis, les constructions humaines constituent des milieux de substitution exploités quasi systématiquement par cette espèce. Selon Williams (1962a), les Anolis gingivinus de Saint-Martin occupent à la fois les arbres et les rochers alors que ceux d' Anguilla sont inféodés uniquement aux rochers. Cette constatation est à moduler car il existe, à Saint-Martin, des populations d'Anolis gingivinus qui vivent sur les rochers des plages sans arbres et qui cohabitent avec Hemidactylus mabouia.

À Saint-Barthélemy, l'espèce occupe les mêmes milieux. Les anolis sont particulièrement abondants dans les formations boisées de l'île et sur les différents murets qui délimitent les parcelles. Ils fréquentent également les petites ravines humides. Les palmiers lataniers (Latania commersonii) sont la plupart du temps la perche d' un anolis mâle. Il existe des populations importantes au sommet des mornes (entre le Morne de Grand Fond et le Morue Rouge) dont la végétation est plus clairsemée, mais par endroits riches en cactus cierges.

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Biologie-Écologie
L'anolis d'Anguilla est une espèce diurne active dès l'aube, mais aussi nocturne pour certains individus vivant autour et dans les habitations. Ils profitent des insectes attirés par les éclairages et se chauffent parfois dessus. Cette espèce est donc active, parfois toute la nuit, pour des températures de l'ordre de 27-30°C et n'a pas besoin de s'exposer au soleil pour atteindre une température compatible avec son activité.
En milieu de journée, les anolis d'Anguilla restent le plus souvent sur leurs perchoirs et cherchent leur nourriture au sol en début et en fin de journée.

Les anolis se nourrissent d'invertébrés divers et de tailles différentes. Ils consomment aussi bien des fourmis et des termites que des insectes de plus grande taille comme des coléoptères et des diptères.
Ils s'attaquent aussi à des petits scorpions, des araignées et des mille-pattes (obs. pers., juillet-août 1996). À l'occasion, ils s'en prennent à des jeunes et des adultes d'Anolis pogus (comportement également signalé par Schwartz et Henderson, 1991), mais ne pratiquent qu'exceptionnellement le cannibalisme.
Au Pic du Paradis, nous en avons vu aussi manger un sphérodactyle (Sphaerodactylus parvus), proie qui n'est pas signalée par Roughgarden (1995). D'une manière générale, les gros individus sélectionnent des proies plus grandes. Le temps de chasse. est estimé à environ 3,5 heures par jour (Roughgarden, 1995).

Shafir et Roughgarden (1998) ont étudié le comportement alimentaire des femelles de cette espèce à Anguilla. Ainsi, leurs expériences et leurs observations ont montré que la probabilité qu'un individu attaque une proie décroît suivant une courbe sigmoïde représentant la distance qui les sépare. Le point d'inflexion de la courbe définit une distance de décision (attaque ou pas) qui augmente avec la taille de la proie. De plus, cette distance diminue avec l'abondance des proies et augmente avec leur raréfaction.
Les anolis ont la capacité d' adapter leur comportement de prise alimentaire en fonction de différents facteurs du milieu (distance à parcourir, taille et abondance des proies). Ils maximiseraient ainsi le rapport entre l'énergie apportée par la consommation de la proie et l'énergie dépensée pour la capturer.

Les techniques de chasse sont différentes d' un individu à l'autre. Ainsi, les mâles dominants surveillent de leurs perchoirs une portion de leur territoire Quand ils repèrent une proie potentielle, ils descendent précipitamment sur elle et l'attrapent rapidement; si d'autres proies se présentent à côté, ils continuent de les chasser, puis remontent sur leur perche. Les jeunes et les femelles chassent plutôt à partir du sol. Certains remontent ou descendent les branches et attrapent une à une les fourmis qui s'y déplacent en colonne (obs, pers., été 96).

Comme l'a montré Roughgarden (revue in Roughgarden, 1995) à Saint-Martin, Anolis gingivinus est le plus abondant (50 anolis / 100 m2), au niveau de la mer, en l'absence d’ Anolis pogus, là où les insectes sont les plus nombreux. De ce fait, la quantité de nourriture disponible apparaît comme un élément réglant la densité de cette espèce. En revanche, sur les mornes du centre où Anolis pogus est présent, pour des mêmes quantités d'insectes, les densités d'Anolis gingivinus sont inférieures. Cette situation assez exceptionnelle a été à l'origine de différentes expériences destinées à mettre en évidence les facteurs gouvernant la répartition et l'abondance de ces deux espèces d'anolis.

Dans les sites où les deux espèces sont présentes, Anolis gingivinus se poste à une plus grande hauteur, Anolis pogus occupant les places les moins élevées sur les perches (p. 198). De plus, selon Roughgarden (1995), Anolis pogus ne se rencontre que dans les hauteurs de Saint-Martin où les conditions climatiques sont plus fraîches. Ces observations vont dans le sens d'une compétition entre les deux espèces. Une deuxième hypothèse peut-être avancée: Anolis gingivinus est une espèce plutôt de milieux arides et Anolis pogus une espèce de milieux humides. Selon cette hypothèse, les mornes du centre de Saint-Martin constituent des habitats marginaux pour Anolis gingivinus et les zones de basses altitudes pour Anolis pogus. Le déplacement des Anolis gingivinus plus haut sur les perches ne serait qu'un moyen d'accéder à un peu plus de chaleur (Roughgarden, 1995). Cette dernière hypothèse nous semble peu probable, les différences de températures n'étant pas significatives dans la forêt du Pic du Paradis entre le sol et 2 m de hauteur. Une troisième hypothèse a été développée par Schall (1992). Cet auteur voit dans un parasite (Plasmodium azurophilum) qui provoque la malaria des anolis, le facteur qui explique la distribution actuelle des deux espèces d'anolis à Saint-Martin (p. 164).

Pour tester l'existence d'une compétition entre les deux espèces d'Anolis, Roughgarden et al. (1984) ont réalisé dans un premier temps trois expériences d' introduction avec des Anolis pogus de Saint-Martin.
Celles-ci se sont déroulées à Anguillita, un petit îlot situé à l'ouest d'Anguilla peuplé par une population d’Anolis gingivinus. Une première expérience montre que 8 mois après l'introduction des Anolis pogus, l'effectif des Anolis gingivinus n'a pas varié (environ 200) alors que sur les 103 Anolis pogus introduits, seuls 15 individus ont de nouveau été observés. Ceux-ci ont été recapturés en périphérie du site, là où la végétation est la plus basse. Dans une deuxième expérience réalisée sur un autre site de bord de mer, avec la même densité d' Anolis gingivinus (116 pour 260 m2), 35% des Anolis
gingivinus ont été retirés et 55 Anolis pogus introduits.
Sept mois plus tard, un nouveau comptage a montré que la population de gingivinus avait retrouvé sa taille initiale et que seuls 16 Anolis pogus survivaient encore. Dans cette deuxième expérience, les Anolis pogus ont eu une espérance de vie qui a doublé puisque l'on retrouve le même nombre pour deux fois moins d'individus introduits. Une troisième expérience où 50% des Anolis gingivinus ont été retirés montre la même tendance. L'expérience témoin a consisté à introduire une population d' Anolis pogus dans un milieu comparable dépourvu d'Anolis gingivinus. Les résultats montrent que cette espèce survit bien si elle est seule au niveau de la mer et se reproduit, ce qu'elle fait aussi en présence d’Anolis gingivinus. Ces travaux montrent que Anolis pogus n'est pas une espèce physiologiquement incapable de se reproduire au niveau de la mer. Nos observations de terrain vont également dans ce sens : nous avons en effet trouvé Anolis pogus au niveau de la mer à Petites Cayes et Anse Marcel dans des milieux aussi peuplés par Anolis gingivinus.


Dans un second temps, Roughgarden et al. (1984) ont réalisé à Saint-Martin, 4 enclos expérimentaux contenant 100 Anolis gingivinus chacun, deux d'entre eux, situés dans l'aire de répartition d’Anolis pogus, contenait en plus 60 Anolis pogus, les deux autres servaient de témoins. Pendant 5 mois d'affilée, dans chaque enclos, ces auteurs ont capturé tous les Anolis gingivinus, les ont mesurés et pesés, puis remis en place. A la fin de l'expérience, la plupart des animaux ont été sacrifiés pour quantifier leur état reproducteur et étudier la nature et l'importance de leur alimentation.
Cette expérience a montré d'une part, qu'en présence d' Anolis pogus, la croissance des Anolis gingivinus était plus réduite aussi bien chez les mâles que chez les femelles et d'autre part, même si les mêmes tailles sont atteintes, que le volume total des oeufs était environ 3 fois inférieur. De plus les estomacs étaient entre 2 et 3 fois moins remplis et les anolis se perchaient en moyenne 2 à 3 fois plus haut.

Ainsi, ces expériences montreraient l'existence d'une compétition entre ces deux espèces d'Anolis. Au niveau de la mer Anolis pogus est incapable de s'implanter dans un milieu aride déjà peuplé par Anolis gingivinus. Selon Roughgarden et al. (19È3a,b), cette situation est due à une plus forte perte d ' eau par unité de surface chez Anolis pogus que chez Anolis gingivinus. Ainsi, Anolis pogus aurait à sa disposition moins de micro habitats susceptibles d'être occupés, car un certain nombre d'entre eux sont déjà occupés par Anolis gingivinus. Bien que ces deux anolis aient la même température corporelle quand ils cohabitent, Anolis gingivinus halète à partir d'une température de 36,8°C, mais en général pour des températures supérieures à 38,5°C alors qu' Anolis pogus halète à partir de 35°C et le plus souvent pour des températures autour de 37 °C.

Sur les mornes du centre de Saint-Martin, la compétition entre ces deux espèces .se manifeste d'au moins trois façons différentes. Anolis gingivinus utilise des proies qui sont mangées par Anolis pogus, ces deux lézards utilisent des territoires qu'ils défendent ou attaquent et la prédation entre ces deux espèces est un comportement habituel dont l'importance n'est pas connue (Roughgarden et al., 1983a,b).
Selon ces auteurs, l'importance de ces trois facteurs de compétition augmente dans les milieux arides, ce qui a conduit à l'élimination progressive d'Anolis pogus des zones de basse altitude.

Cependant, il existe un autre facteur intervenant dans la compétition entre ces deux espèces d'anolis qui a été ignoré par Roughgarden (1995), c'est la présence de la malaria des anolis provoquée par un protozoaire parasite Plasmodium azurophilum
(Schall, 1992). Ses travaux ont montré que :
- Anolis gingivinus, l'espèce la plus compétitive est fréquemment infectée par le parasite responsable de cette maladie, alors qu'Anolis pogus ne l'est quasiment pas.
- Ce parasite possède une répartition calquée sur celle d'Anolis pogus.
- Anolis pogus habite essentiellement les localités où Anolis gingivinus est infecté.
- les Anolis gingivinus infectés présentent des globules rouges avec de plus faibles quantités d'hémoglobine ce qui limite l'apport d'oxygène aux cellules et donc leur production d'énergie, de plus ce parasite touche aussi les cellules du système immunitaire (globules blancs). Ces deux types de Plasmodium sont maintenant considérés comme deux espèces différentes (Perkins, 2001) ;
- Les mâles d'Anolis gingivinus infectés présentent un plus fort taux de queue cassée par rapport aux individus sains.

Tous ces éléments contribuent à diminuer les capacités de défense des Anolis gingivinus ainsi que leur fécondité, de ce fait la compétition serait moins intense et Anolis pogus pourrait se maintenir. Ainsi, selon Schall (1992), la distribution des deux espèces d'anolis à Saint-Martin pourrait dépendre uniquement des caractéristiques du micro-habitat du vecteur du parasite, qui n'est d'ailleurs actuellement pas connu.

Staats et Schall (1996) ont montré qu'à Saint-Martin Anolis gingivinus est parasité par Plasmodium azurophilum et Plasmodium floridense, alors que seul Plasmodium floridense est présent à Anguilla et l'autre espèce à Saint-Barthélemy. De plus, Anolis pogus est aussi parasité par Plasmodium azurophilum. Ces nouvelles données montrent que le scénario de Schall (1992) doit être revu.

Toutes ces hypothèses et reconstructions sont fondées sur des données incomplètes : celles de la répartition exacte d'Anolis pogus. Il aurait été intéressant de savoir si dans les expériences d'enclos et d'introduction (Roughgarden, 1995), les Anolis gingivinus étaient atteints de malaria. En l'absence de cette information, les conclusions tirées sont un peu sujettes à caution. Selon tous ces auteurs, Anolis pogus a une distribution limitée aux mornes du centre de Saint-Martin. Cette vision est très réductrice, elle résulte d'une très mauvaise prospection de l'île.
L'exploration du nord-est de Saint-Martin, réalisée en juillet 1996, nous a permis de découvrir plusieurs petites populations d' Anolis pogus, dont certaines au niveau de la mer. Faute de temps, nous n'avons pu regarder de près la nature des relations entre les deux espèces d'anolis dans ces sites. Il serait intéressant de voir si les Anolis gingivinus y sont aussi atteints de malaria.

à Anguilla, les anolis sont la proie préférée des couleuvres, mais à Saint-Martin, où Alsophis rijgersmaei est très rare (p. 293), l'impact de la prédation par cette espèce doit y être faible à l'inverse de Saint-Barthélemy où ce serpent est mieux représenté. A Saint-Barthélemy les prédateurs des anolis qui semblent les plus importants sont les gli-gli (Falco sparverius).
À Saint-Martin, McLaughlin et Roughgarden (1989) ont montré que la grive corossol (Margarops fuscatus) est un prédateur important des deux espèces d'anolis. Elle participe, de manière significative, à la diminution du nombre d'anolis durant la saison sèche de janvier à juillet. Anolis gingivinus est parasité par une espèce de vers (Cestoda : Linstowiidae) Oochoristica maccoyi (Bursey et Goldberg, 1996).

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Reproduction
Dans les îles sèches où le Carême est bien marqué, la saison de reproduction coïncide avec le début des pluies. Nous avons observé des accouplements d'Anolis gingivinus durant la seconde moitié de juillet et au début août à Saint-Martin et durant la première moitié d'août à Saint-Barthélemy, mais aucun en avril, dates de nos autres séjours respectifs dans ces deux îles.

À 6h40 du matin, en juillet, à Saint-Martin, nous avons noté toute la séquence de parade et d'accouplement d'Anolis gingivinus. Le mâle était immobile sur le bord d'un parapet, quand une femelle est arrivée lentement en face de lui. Le mâle a exhibé deux fois son fanon (environ 6 secondes), puis s'est approché rapidement de la femelle et a tenté de la monter. La femelle s'est dégagée, mais est restée sur place. Le mâle a de nouveau essayé de s'accoupler immédiatement. La femelle s'est dégagée rapidement et s'est éloignée. Le mâle l'a rattrapée au cours de sa fuite, l'a montée, mais ne l'a pas saisie entre ses mâchoires. La copulation a commencé par de vigoureux coups de bassin (20 secondes), puis les individus sont restés immobiles, le corps du mâle plié en S au-dessus de la femelle et les queues plus ou moins enroulées. Puis le mâle s'est dégagé, son hémipénis gauche rouge écarlate encore sorti en doigt de gant.
L'accouplement proprement dit a duré 2 minutes et 10 secondes. Les deux individus se sont éloignés de quelques centimètres, le mâle abaissant son fanon 3 fois pendant 15 secondes ; les deux individus se sont quittés et ont repris leurs activités.

L'observation de quelques jeunes (longueur totale 45-50mm) à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy à cette époque de l'année suggère, compte tenu d'une période d'incubation de l'ordre de 40-50 jours par référence avec d'autres espèces d'anolis de même taille, que les premiers accouplements ont lieu en juin. Les données de McLaughlin et Roughgarden (1989) ont montré qu'après la période de creux de populations où les effectifs sont au plus bas début juillet, la population n'atteint son effectif précédent qu'à partir de septembre. Il existe donc un décalage d'environ 2,5 mois entre le début de la saison des pluies et le retour de la population à son effectif initial.
Cela signifie que la majorité des éclosions a eu lieu en août-septembre et donc que les accouplements débutent en juin-juillet avec la reprise des pluies.

En utilisant des anolis marqués, Roughgarden (1995) a précisé les caractéristiques de la croissance d'Anolis gingivinus de Saint-Martin. Pour de jeunes anolis, la croissance maximale est d'environ 0,2 mm par jour et elle diminue régulièrement avec l'âge. Les mâles achèvent leur croissance pour une taille moyenne d'environ 63 mm de longueur corporelle et les femelles de 50 mm.

La vie d'une femelle d'Anolis gingivinus se découpe en 3 phases (Roughgarden, 1995) :
-Une phase de croissance de l'éclosion à la fin de la phase juvénile (jusqu'à 40mm de taille corporelle);
-Une phase de transition où la croissance se poursuit moins rapidement (de 40 à 50 mm) et où elle produit ses premiers œufs ;
-Et une phase de reproduction durant laquelle il n'y a presque plus de croissance et où toute l'énergie de la nourriture, en dehors de celle de maintenance, est investie dans la reproduction.
Pour les mâles, qui ont la même taille à la naissance que les femelles, la phase de transition se situe pour des longueurs corporelles comprises entre 55 et 65 mm. La croissance est rapide et la maturité sexuelle est atteinte pour la saison des pluies suivante. Selon Lazell (1972), la maturité sexuelle apparaît à partir d'une taille d 42 mm pour les mâles et de 41 mm pour les femelles

L'espérance de vie au Pic du Paradis est de l'ordre de 7,5 mois si on admet que la prédation n'est due qu'aux grives (Margarops), ce qui signifie que la majorité des anolis de ce site ne vit qu'un an et que le renouvellement de la population est très rapide (McLaughlin et Roughgarden, 1989). Cependant
comme dans cette localité, la prédation est importante et qu'elle est responsable de la division de l'effectif maximal par deux, on peut supposer qu'en l'absence de cette prédation avienne, l'espérance de vie est le double et que certains individus atteindraient l'âge de 3 ans.

D'une manière générale, les anolis pondent 2 oeufs tous les quinze jours durant la saison de reproduction, mais il n'existe pas de données précises sur les pontes des anolis de l'archipel Guadeloupéen.

© Histoire naturelle des amphibiens et reptiles terrestres de l'archipel guadeloupéen
Michel BREUIL - Ed.Museum national d'histoire naturelle de Paris (Paris- 2002)

 

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