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Anolis pogus (Lazell, 1972)
Anolis de Saint-Martin

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par Michel BREUIL *

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Systématique - Description - Répartition dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale - Habitat - Biologie-Écologie - Reproduction -

 

Systématique
Syntypes : MCZ 127052 (non vu).
Localité-type : "Colombier Valley, Saint-Martin" .

Anolis pogus a été décrit par Lazell (1972) comme une sous-espèce d'Anolis wattsi endémique du banc d'Anguilla et plus particulièrement des mornes du centre de Saint-Martin. Le nom de wattsi avait été donné par G. A. Boulenger à une espèce d'Anolis trouvée à Antigua en l ' honneur de Francis Watts du laboratoire gouvernemental de cette île. Selon Lazell (in litt. décembre 1998), le nom de pogus n'a pas de signification précise. Gorman et Kim (1976) ont considéré qu'Anolis wattsi pogus n'était pas une sous-espèce d'Anolis wattsi mais une espèce distincte, tout comme les autres sous-espèces du banc d'Antigua (wattsi) et de Saint-Christophe (schwartzi), opinion que nous retenons ici en proposant le nom français d'anolis de Saint-Martin pour cette espèce. Ce statut spécifique n'a pas été reconnu par Schwartz et Henderson (1991) mais l'a été par Roughgarden (1995) et Schneider et al. (2001).

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Description - Diagnose
La coloration de la tête est aussi variable que celle du corps, elle est souvent bleu-gris sur les côtés, et plus ou moins marron-rouge sur le dessus. Les paupières sont blanches, voire légèrement gris-bleuté.
La queue présente une coloration similaire à celle du corps mais en plus foncée. Elle devient marron foncé, voire noire dans sa partie postérieure, mais sa partie terminale garde la couleur de la partie antérieure. Le fanon est blanc. Le ventre des mâles est blanc sale, gris, marron clair. Les changements de couleur sont assez spectaculaires dans cette espèce.
Les mâles s’éclaircissent et des plages jaune moutarde apparaissent sur les côtés. Le gris des épaules et les barres latérales s'estompent et disparaissent, la tête se colore de bleu ciel. Les femelles présentent une coloration très proche de celle des mâles, mais en un petit peu plus terne. À l'opposé de ce qu'écrivait Lazell (1972), les femelles présentent des barres verticales de même couleur que celles des mâles mais en un peu plus estompées. La coloration ventrale est comme celle des mâles. Cette espèce possède un dimorphisme sexuel peu prononcé.
Selon Lazell (1972), qui a comparé 3 Anolis pogus collectés à Saint-Martin avant 1923 avec ceux qu'il a capturés entre 1964 et 66, il y aurait eu des changements des caractéristiques de l'écaillure au cours de ces 40 années. D'après l'étude de fossiles d'Anolis d'Anguilla (datés de la fin de la période des Céramiques: +500 à +1500 après J-C), Roughgarden (1995) est arrivé à la conclusion que la longueur des Anolis pogus, avant leur disparition de cette île, était d'environ 10% supérieure à celle que l'on trouve à Saint-Martin aujourd'hui.
Roughgarden et Pacala (1989) ont indiqué que les dentaires des anolis trouvés dans des grottes d'Anguilla se répartissaient en deux groupes de taille : 6,2-7,0mm et 8,7-10,2mm. Ces valeurs correspondent respectivement à des anolis de la taille d'Anolis pogus et d'Anolis gingivinus.

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Répartition dans l'archipel Guadeloupéen
La distribution d'Anolis pogus à Saint-Martin est plus ou moins calquée sur les mornes qui parcourent le centre de l'île du nord au sud (Roughgarden, 1995), l'essentiel des populations se trouvant du côté français. Powell et al. (1992) l'ont signalé du côté néerlandais au niveau de la mer. Par rapport à la carte précise établie par Schall (1992), nos prospections de juillet 1996 nous ont permis de découvrir cette espèce dans des zones où elle était considérée comme absente. Nous l'avons trouvée sur le versant nord de Red Rock (nord de Saint-Martin), dans des petites ravines à environ 50m d'altitude, mais aussi sur le côté est d'Anse Marcel à moins de 10m d'altitude dans un milieu plutôt aride mais arboré. Il est présent sur le versant nord du Mont Caréta qui est boisé et sur le versant sud du Mont O'Reilly. Sur ces mornes, Anolis pogus apparaît vers 100m d'altitude et devient - plus abondant vers 150-250m d'altitude. On le trouve en grand nombre sur le flanc ouest de Hope Hill et jusqu'au col qui sépare Hope Hill de la Montagne de France. Nous avons aussi découvert (juillet 1996) Anolis pogus à 15m d'altitude à l'est de Marigot dans un pâturage parsemé de manguiers, mais cet habitat est maintenant détruit à la suite de la construction d'habitations (avril 2000). Sa présence est connue des vallées légèrement humides comme celles de Colombier ou de Grand Fond du quartier d'Orléans (Lazell, 1972).

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Répartition locale
Anolis pogus est présent à Saint-Martin, il l'était aussi à Anguilla, mais en aurait disparu entre 1922 et 1960 (Roughgarden, 1995). Sa présence ancienne est aussi envisagée à Saint-Barthélemy (Lazell, 1972 ; Schwartz et Henderson, 1991). En août 1996, nous avons observé un anolis à Saint-Barthelemy que nous n'avons ni réussi à capturer ni à identifier.
Néanmoins nous avons pu le photographier mais dans d'assez mauvaises conditions. La coloration est celle d'un individu en phase sombre qui ne ressemble pas à un Anolis gingivinus.
Selon Roughgarden (1995), Anolis gingivinus serait arrivé à Anguilla il y a 3-4000 ans, peut-être introduit par les Arawaks, et aurait vu sa taille diminuer de 10% depuis la disparition d 'Anolis pogus.

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Habitat
Lazell (1972) considérait qu'Anolis pogus est inféodé aux ravines humides et qu'il est absent des crêtes séparant deux ravines de ce type. Roughgarden et al. (1983a,b) ont indiqué que cette espèce est distribuée à travers tous les mornes boisés du centre de l'île. En fait, cette description de l'habitat repose sur une méconnaissance de la partie nord de Saint-Martin où cette espèce est aussi présente. Son habitat est constitué par des milieux arborés qui conditionnent un microclimat nettement plus humide que les milieux ouverts avoisinants. Le centre de distribution de cette espèce semble être le massif du Pic du Paradis qui supporte une forêt humide dont les arbres dépassent rarement 10m de hauteur. En milieu ouvert ou de transition, Anolis pogus occupe les éboulis rocheux, les murs, les arbres couchés. Nous ne l'avons observé qu'exceptionnellement sur des arbres et, quand il y est présent, sa position dépasse rarement 60cm de hauteur. Dans cette dernière situation, on observe, souvent la présence d'Anolis gingivinus.

Cependant, comme les expériences d' introduction l'ont montré (Roughgarden et al., 1984), Anolis pogus peut s'établir au niveau de la mer sous réserve que le site en question soit dépourvu d'Anolis gingivinus (p. 163). Ainsi, en l'absence de compétition, Anolis pogus est physiologiquement apte à s'établir dans des milieux arides. Les quelques stations de Red Rock que nous avons découvertes montrent que la situation n'est pas aussi simple que cela. La présence de quelques Anolis pogus à ces endroits, au milieu de populations d' Anolis gingivinus, correspond à des sites plus humides que le milieu environnant, mais où la végétation est de type xérophile (gaïac, gommier rouge, cactus-cierge, mapou, bois noir...).

Red Rock, dans sa partie Nord, constitue un milieu légèrement dégradé qui supporte une forêt basse formée principalement de bois noir, de mapou, de gommier rouge et de quelques pieds de gaïac. Le nord-ouest de Red Rock (au-dessus de la pointe des Froussards) présente un microclimat nettement plus humide dans lequel se développe une végétation épiphyte à Broméliacées. La présence d'Anolis pogus y est à rechercher.

Selon Schall (1992), la distribution d'Anolis pogus mime celle de la malaria des anolis (p. 164), maladie qui affaiblit l'espèce concurrente Anolis gingivinus. Il serait intéressant de voir si, dans ces nouvelles localités situées en dehors de l'aire traditionnelle de l'espèce, Anolis gingivinus est aussi atteint de malaria.

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Biologie-Écologie
Pacala et Roughgarden (1982) ont mesuré des hauteurs moyennes de 0,88 m pour Anolis gingivinus et de 0,17m pour Anolis pogus quand les deux espèces cohabitent en enclos expérimentaux. Selon ces auteurs, la présence d'Anolis pogus a pour effet de faire remonter Anolis gingivinus de quelque 40-50 cm. Losos et de Queiroz (1997) ont aussi étudié la position des différentes espèces d'Anolis sur les perchoirs afin de préciser leur type écologique. Ces deux auteurs trouvent des résultats très différents de ceux de Pacala et Roughgarden (1982): 2,23m pour Anolis gingivinus et 1,46m pour Anolis pogus ! Losos et de Queiroz (1997) ont considéré qu' Anolis pogus appartient à l'écomorphe herbes-buissons et Anolis gingivinus à l'écomorphe sol-tronc et serait généraliste. Par la suite, Roughgarden (1995) a indiqué pour Anolis pogus une hauteur moyenne de 0,79m alors que Anolis gingivinus se perche en moyenne à 1,46m quand ils cohabitent. Devant ces différents résultats dus à la taille de l'échantillon, l'hétérogénéité du milieu, la saison, l'heure d'observation, la précision de la mesure..., il y a lieu d'être prudent.

En milieu ouvert, Anolis pogus apparaît comme une espèce rupicole et nous l'avons observé, au Carême, dans des amas de pierres en compagnie d' Anolis gingivinus. En forêt, Anolis pogus fréquente la base des arbres et se tient préférentiellement sur des perchoirs de petit diamètre plutôt que sur des gros troncs. La densité d'Anolis pogus dans la forêt humide du Pic du Paradis est de l'ordre de 0,3-0,5 individus par m². Dans la forêt humide (350-420m d'altitude), sur le flanc ouest du Pic du Paradis, un comptage en juillet 96 a donné 58 Anolis pogus pour 23 Anolis gingivinus. La plupart des Anolis pogus se trouvaient à moins de 60 cm de hauteur, mais certains montaient jusqu'à 1,5 m sur les petites perches. Anolis gingivinus utilise aussi cette partie basse, mais peut monter aussi jusqu'à 5m de hauteur et se tient préférentiellement sur les gros troncs. Il ressort de toutes ces observations et mesures qu'en forêt humide Anolis pogus préfère les perches de petit diamètre et la base des troncs alors qu' Anolis gingivinus utilise les troncs et se poste à une plus grande hauteur quand les deux espèces cohabitent. Néanmoins, Anolis gingivinus est par endroits entièrement rupicole (p.162).

Afin de voir le comportement de ces deux espèces quand elles se retrouvent confrontées aux mêmes ressources alimentaires, nous avons ouvert une petite termitière et nous en avons déposé un fragment bien en vue de plusieurs anolis des deux espèces. Quatre Anolis pogus (1 mâle, 3 femelles) ont été les premiers à venir consommer les termites, suivi par 2 Anolis gingivinus (1 mâle, 1 femelle). Compte tenu de l'abondance de la nourriture, il n'y a pas eu d'interactions inter et intraspécifiques. En revanche, en milieu ouvert (bord de chemin), sur des arbres abattus, nous avons vu 6 interactions (juillet) entre le même mâle Anolis gingivinus et le même mâle Anolis pogus. Le scénario de la rencontre a toujours été le même. L' Anolis pogus est entré dans le champ visuel de l' Anolis gingivinus, celui-ci a déployé alors son fanon une fois rapidement, puis l'a rentré, l'a redéployé puis, l'a laissé en évidence plus longtemps. Lorsque l' Anolis pogus a continué d'approcher, l' Anolis gingivinus s'est lancé à la poursuite de l'intrus qui s'est sauvé immédiatement soit en montant (2 fois), soit en plongeant dans la végétation basse (4 fois). En revanche, en avril, en dehors de la période de reproduction, des mâles des deux espèces peuvent s'ignorer même quand ils sont très proches (p. 161).

Il n'y a pas de données quantitatives précises sur l'alimentation d'Anolis pogus. Nos observations ponctuelles ont montré que cette espèce consomme de grandes quantités de fourmis et de diptères adultes, mais tous les autres insectes et arthropodes de petite dimension peuvent également être des proies. Dans l'ensemble, il s'agit de proies de petite taille dont il doit faire une grande ponction quotidienne pour assurer son métabolisme, sa croissance et/ou sa reproduction. Nous avons vu un Anolis pogus au Pic Sud consommer un Sphaerodactylus parvus que
nous venions de découvrir sous une pierre. L'anolis, qui se trouvait sur un muret, s'est précipité dans l'anfractuosité où le sphérodactyle s'élait caché et en est ressorti avec le petit gecko gigotant dans la gueule. Il a alors regagné son poste d'observation sur le muret.
Après quelques mouvements de mâchoires destinés à l'orienter d'une position transversale à une position tête la première, il l'a avalé. Ce type de comportement peut paraître exceptionnel, mais les sphérodactyles des forêts du Pic du Paradis se déplacent au-dessus de la litière et sont donc potentiellement capturables par des anolis. Roughgarden et al. (1983) ont signalé que les Anolis pogus consomment à l'occasion de jeunes Anolis gingivinus.

Selon Roughgarden et al. (1983b), l'association étroite d'Anolis pogus avec des éboulis rocheux n'est pas une adaptation fournissant à cet anolis un micro-habitat humide, mais une particularité destinée à se protéger de la prédation par Anolis gingivinus. Bien que la prédation soit réelle, nous avons observé Anolis gingivinus (avril 2000, août 2001 ) fourrageant dans les interstices entre les rochers, il existe de nombreux emplacements rocheux libres avec des interstices qui ne sont pas occupés par Anolis pogus qui se perche au regard d' Anolis gingivinus.

La situation n'apparaît pas aussi simple. En effet, il est possible d'observer des mâles de ces deux espèces sur un rocher ou un mur horizontal, à quelques centimètres l'un de l'autre, sans qu'il y ait d'interaction (avril 2000). En revanche, sur un arbre de gros diamètre, Anolis gingivinus ne semble pas tolérer Anolis pogus alors que sur une perche de petit diamètre, la cohabitation est plus pacifique (avril). Il est possible que l'importance des interactions dépende de la période de l' année. Elle serait maximale au moment des accouplements (juillet-août) et minimale en avril.

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Reproduction
Anolis pogus connaît les mêmes fluctuations de population qu'Anolis gingivinus (p.165). Les jeunes apparaissent essentiellement en septembre, ce qui signifie que les accouplements ont lieu principalement en juin-juillet avec le début de la saison des pluies et l'augmentation de la température qui se répercute sur le nombre de proies disponibles. Le cycle de cette espèce est donc le même que celui de Anolis gingivinus.

© Histoire naturelle des amphibiens et reptiles terrestres de l'archipel guadeloupéen
Michel BREUIL - Ed.Museum national d'histoire naturelle de Paris (Paris- 2002)

 

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