Iguana iguana
(Linné, 1758) Iguane commun |
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par Michel BREUIL *
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Systématique -
Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Statut
-
Systématique
Syntypes : NRM 1 14 ; UUZM Linnean
collection n°10 (Avila-Pires, 1995), (non vus)
Localité-type: "Indiis".
Restreinte par Lazell (1973) à:"Island of Terre-de-Haut, les îles
des Saintes, Département de la Guadeloupe, French West Indies" et
par Hoogmoed (1973) à "Confluence of the Cottica River and Perica
Creek, Surinam" . Restrictions non valides (p.5)
Nom original : Incerta iguana
Linné, 1758
Synonymes " taxonomie : un
travail ultérieur clarifiera ces problèmes.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Statut
-
Description, Diagnose.
L'iguane commun ou iguane vert est plus grand que l'iguane des Petites Antilles
Iguana delicatissima, mais possède la même allure générale
(p.115). Les mâles atteignent parfois une longueur totale (LT) proche
de deux mètres, les femelles sont plus petites. La longueur corporelle
(LC) des mâles est au maximum de 50 cm (Schwartz et Henderson, 1 99 1
), mais Lazell (1973) a indiqué un maximum de 40cm aux Antilles et Gerber
(1998) a mentionné un mâle de Saba de 43,5cm de longueur corporelle
pour un poids de 3,17 Kg. Le plus gros individu que nous avons capturé
était un mâle de Terre-de-Haut des Saintes qui atteignait 185 cm
pour une longueur corporelle de 46cm et un poids de 3,4 Kg. L'iguane commun
est plus élancé que l'iguane des Petites Antilles. Le corps représente
environ le quart de la longueur totale et compte pour environ le tiers chez
les Iguana delicatissima des zones sèches, mais il existe des variations
géographiques. Cette différence pourrait être liée
à un mode de vie plus arboricole de l'iguane commun. Iguana iguana possède
une grosse écaille bombée sous le tympan, la plaque subtympanique,
appelée parfois écaille massétérique, plus développée
chez les mâles que chez les femelles. Elle atteint jusqu'à 25 mm
chez les grands mâles. Les écailles du fanon (plus de 10) sont
en général triangulaires et atteignent souvent la partie inférieure
du fanon.
La coloration de cette espèce est très variable, mais les nouveau-nés et les juvéniles d'un an possèdent une coloration verte tout à fait comparable à celle de l'iguane des Petites Antilles. La coloration des adultes est variée, mais les couleurs les plus fréquemment rencontrées sont le vert, le vert-jaune, le vert clair, le vert foncé, le vert-gris, voire le gris et certains individus ont une tendance au mélanisme. Des iguanes d'élevage présentent une coloration orangée, peut-être due à une grande consommation de caroténoïdes contenus dans leur alimentation artificielle. La coloration est d'autant plus brillante que l'animal vient de muer. D'une manière générale, la tête est plus claire (gris blanchâtre) que le reste du corps. Certains individus présentent des barres verticales corporelles plus ou moins prononcées. La queue est barrée de bandes noires qui lui donnent un aspect annelé. Ce caractère et l'écaille subtympanique permettent de différencier sans ambiguïté les deux espèces d'iguanes habitant les Petites Antilles. Certains hybrides entre les deux espèces présentent une coloration générale orangée, voire beige (p.119).
Le dimorphisme sexuel est bien marqué chez cette espèce. Les caractères sexuels secondaires sont bien reconnaissables. Le mâle est plus grand que la femelle, les épines de la crête dorsale sont plus hautes, la plaque subtympanique est bien développée, le fanon gulaire est plus large et la base de la queue est renflée sur 4-6 cm de longueur. En période de reproduction, la tête présente une teinte bleutée et les pores fémoraux sont très développés. De plus, la coloration générale est plus brillante et plus contrastée, les barres verticales corporelles, quand elles sont présentes, se détachent sur le fond qui devient plutôt vert vif.
Les nouveau-nés sont vert pomme brillant. Ils possèdent des rayures obliques sur le fanon et quelques marques blanches à l'aisselle. À l'éclosion, leur longueur totale est de 245 mm (n = 7) pour une longueur corporelle moyenne de 68 mm et une masse de 13,5 g (nouveau-nés mesurés à Trois-Rivières le 20-08-99).
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Statut
-
Répartition dans l'archipel
Guadeloupéen
La description de la répartition des iguanes aux Saintes telle que l'a
faite Lazell (1973) peut constituer un état "zéro" de
la situation dans ces îles. Au début des années 1960, Iguana
iguana était alors présent dans la partie sèche des Saintes
: l'est et le centre de Terre-de-Haut, îlet à Cabrit, la Coche,
Grand Ilet ; Terre-de-Bas et l'ouest de Terre-de-Haut étant peuplées
par Iguana delicatissima. Actuellement Iguana iguana se trouve dans ces deux
zones d'où il a quasiment éliminé Iguana delicatissima
(p.121). Dunn (1934) a signalé la présence d'Iguana iguana à
l'Ilet à Cabrit en 1914. Selon Lazell (1973), Iguana iguana n'était
présent dans l'archipel Guadeloupéen qu'aux Saintes, aux Ilets
à Goyaves et sur la côte sous le vent de la Basse-Terre. Cette
distribution ne correspond plus à la situation actuelle et depuis les
années 1960, Iguana iguana est en pleine expansion dans l'archipel Guadeloupéen.
Sur la Basse-Terre, dans les années 70-80, l'iguane commun semblait
limité au Massif du Houëlmont (Currat, 1980; Gérard Berry
comm. pers., août 1999;Marcel Castry comm. pers., août 2000...).
Depuis le début des années 90 (début de nos observations),
l'iguane commun est connu en peuplement quasi continu de Jarry à l'extrême
sud de l'île où il remonte jusqu'à Saint-Claude (Breuil
et Thiébot, 1994) et se trouve aussi sur la côte Caraïbe à
Vieux-Habitants.
On le rencontre aussi aux îlets à Goyaves (Pigeon) et sur la côte
sous le vent. Sur la Basse-Terre, il est sympatrique et parfois syntopique avec
Iguana delicatissima. Sur la Grande-Terre, il est connu de Gosier, de Sainte-Anne
et de Saint-François et des individus d'origine indéterminée
ont été utilisés comme quimbois en différents endroits
de la Grande-Terre et de la Basse-Terre (Breuil et Thiébot, 1994). Nous
l'avons aussi trouvé à Saint-François en août 1999
où il s'hybride avec Iguana delicatissima (Breuil, 1999b, 2000b,c, 200lb).
Sa répartition apparaît donc continue sur la côte sud de
la Grande-Terre. Il est présent aussi sur quelques îlets du Petit
Cul-de-Sac (Breuil et Thiébot, 1994), mais il s'agit probablement d'individus
erratiques.
Les raisons du développement des populations d'Iguana iguana sur la
Basse-Terre et la Grande-Terre demeurent énigmatiques. Néanmoins,
nous avons proposé plusieurs hypothèses complémentaires
(Breuil et Sastre, 1993) qui sont toujours d'actualité (p.143). Depuis
que les deux espèces d' iguane sont protégées aux Saintes
(1976), la pression de prédation a diminué dans ces îles
dépourvues de mangoustes. Seuls les chats, la crécerelle américaine
ou gli-gli (Falco sparverius) et l'ani à bec lisse (Crotophaga ani) sont
des prédateurs des jeunes iguanes ; les rats noirs étant des prédateurs
des oeufs et les chiens des adultes. De ce fait, la population d' Iguana iguana
s'est développée d'autant plus rapidement que ces derniers ont
trouvé dans les jardins et dans les décharges d'importantes sources
de nourriture. Ainsi, probablement à partir des années cinquante,
Iguana iguana a étendu son aire dans la zone occidentale occupée
par Iguana delicatissima.
Cette espèce habituée à l'homme s'est hybridée avec
Iguana delicatissima et l'a ainsi quasiment éliminée de la partie
occidentale de Terre-de-Haut. De là, Iguana iguana a pu traverser à
la nage les 900m (Passe du Sud) qui séparent la pointe de Bois Joli (Terre-de-Haut)
de la presqu'île orientale de Terre-de-Bas. Des pêcheurs nous ont
indiqué qu'ils avaient observé plusieurs fois ce type de déplacement
(p.138). Rendu sur Terre-de-Bas, Iguana iguana s'est réparti dans toute
l'île concurrençant Iguana delicatissima et s'hybridant avec lui.
L'iguane commun montre une grande aptitude à la nage ainsi que l'a montré
Moberly (1968a,b) qui a chronométré un iguane commun, au cours
d'une apnée volontaire de plus 270 minutes sous l'eau. Ainsi, en étant
capable de nager vigoureusement et en supportant des plongées de longue
durée dans des eaux à 25°-30°C, l'iguane commun a la possibilité
de franchir des bras de mer et de coloniser les différentes îles.
De plus, il peut être transporté sur des radeaux de végétation
(p.29). Il est possible que les capacités natatoires de l'iguane commun
et sa résistance à l'immersion soient supérieures à
celles de l'iguane des Petites Antilles.
Depuis que les deux espèces d'iguane sont protégées aux Saintes, ces Reptiles sont devenus un symbole de ces îles. Ces animaux ne sont, en principe, plus chassés malgré les quelques dégâts qu'ils causent dans les jardins. Néanmoins, ils finissent par poser des problèmes de cohabitation à tel point que des Saintois nous ont indiqué qu'il était impossible de faire pousser le moindre légume dans certaines zones. Pour se débarrasser de ces "indésirables", certains Saintois attrapent parfois ces iguanes et les transportent à Trois-Rivières (Basse-Terre) et à Terre-de-Bas. Claude Sastre a observé, le 3-01-1993, qu'un marin du bateau faisant la navette entre les Saintes et Trois-Rivières transportait un iguane vivant qu'il a jeté à l'eau à l'arrivée à Trois-Rivières (Breuil et Sastre, 1993). Cette pratique qui semble habituelle, pourrait-être à l'origine de l'explosion de la population du sud de la Basse-Terre, en liaison avec une colonisation naturelle et une augmentation des ressources alimentaires.
L' iguane commun est maintenant présent à
Saint-Martin où il semble avoir été introduit ces dernières
années à la suite de la libération et/ou de la fuite d'animaux
captifs (Andy Caballero, in litt., janvier 2000). Une population est établie
du côté néerlandais (Bruno Le Lagadec, comm. pers., août
2001). Dans cette île, et plus particulièrement dans la partie
néerlandaise, le commerce de cette espèce est important.
Une femelle, apprivoisée d'origine américaine s'est échappée
à Saint-Barthélemy en 1996 mais a été re-capturée
(Jean-Claude Plassais, in litt. 1997).
Les cartes de répartition des deux espèces d'iguane publiées
par Censky et Kaiser (1999) sont erronées, elles correspondent aux données
de Lazell (1973) et ne tiennent pas compte des travaux
ultérieurs et de l'extension de cette espèce.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Statut
-
Répartition locale
L'iguane commun habite le Mexique, l'Amérique centrale, une grande partie
de l'Amérique du Sud et les Antilles (Avila-Pires, 1995). Il a aussi
été introduit en Floride.
La distribution de l'iguane commun dans les Petites Antilles pose de très
nombreux problèmes. Pour certaines populations, il est difficile d'établir
leur origine et rien ne prouve que cette espèce fasse partie de la faune
indigène de certaines îles des Petites Antilles. Deux théories
s'opposent pour expliquer la présence de cette espèce dans les
Petites Antilles : soit sa présence est due à une (ou plusieurs)
dispersion naturelle (Lazell, 1973), soit elle est due au transport par l'homme
(p.34). Les observations que nous avons réalisées en Guadeloupe
depuis 1989 suggèrent que, pour plusieurs raisons, la répartition
d'Iguana iguana dans les Petites Antilles est en perpétuelle évolution
depuis le début du siècle.
Ainsi, Dunn (1934) considérait qu'Iguana iguana a pu être introduit
dans certaines îles des Antilles, mais que la variation morphologique
rencontrée est d'une origine naturelle. En revanche, Schmidt et Inger
(1957) ont écrit: "L'iguane commun Iguana iguana, est apparemment
un immigrant récent du nord de l'Amérique du Sud dans le sud des
Petites Antilles et dans les îles vierges et il en a éliminé
l'iguane terrestre local de ces dernières îles (Cyclura)".
Selon Lazell ( 1 973) aucune preuve ne supporte cette histoire.
Underwood (1962) a développé l'hypothèse suivante : "Il a été suggéré que les Caraïbes aient transporté des iguanes parce qu'ils étaient comestibles. Les Caraïbes sont connus pour avoir envahi les Petites Antilles à partir de l'Amérique du Sud. Ils ont donc pu transporter avec eux des animaux dans ces îles. Il pourrait être suggéré qu'Iguana delicatissima ait occupé ces îles sans compétition et que les Caraïbes aient apporté Iguana iguana dans quelques-unes de ces îles où ils se sont échappés. S'il n'y avait pas déjà d'iguanes dans une île, les iguanes nouvellement introduits ont pu la coloniser sans compétition, si comme cela a pu être le cas, Iguana delicatissima occupait certaines de ces îles, l'espèce sud-américaine l'a peut-être éliminée". Lazell (1973) a repoussé cette hypothèse de compétition à partir de l ' observation de la situation des deux espèces aux Saintes : "Comme cela a été indiqué ci-dessus, les deux espèces d'Iguana sont sympatriques dans les îles des Saintes ; il y a des preuves de l'existence d'une séparation écologique entre une niche humide et une niche sèche entre ces deux espèces, le spectre écologique de ces îles est très étroit et les deux espèces sont extrêmement abondantes. C'est la preuve la plus nette contre la suggestion qu'une espèce ait éliminé ou va éliminer l'autre. Si les deux espèces peuvent vivre ensemble dans les îles des Saintes, la croyance que l'une d'elles ait éliminé Cyclura dans les îles Vierges qui sont plus grandes et plus diversifiées n'est pas soutenable".
Selon Lazell (1973), l'étude de la variation morphologique des iguanes
dans les Petites Antilles supporte son hypothèse. Il n'a pas hésité
à écrire : "1'existence de cette variation (géographique
et individuelle) m'a convaincu qu'aucune introduction humaine n'est responsable
de la présence d'Iguana iguana quelque part dans les Petites Antilles".
Nos observations (introductions récentes et actuelles d'iguanes dans
toute l'aire de répartition, analyse des textes anciens) font s'écrouler
toute son hypothèse. Fort de ses déductions, Lazell a rejeté
les déterminations d'Underwood (1962). Ainsi, Underwood avait signalé
Iguana delicatissima sur l'Ilet à Goyaves (Ilets de Pigeon), Lazell n'y
a vu qu'Iguana iguana. De même, cet auteur a écrit à propos
de Terre-de-Haut (Saintes) : "cette espèce (Iguana delicatissima)
est notée de
cette île, mais l'espèce la plus commune ici, comme dans les parties
les plus sèches des îles des Saintes, est Iguana iguana".
Or Underwood n'a pas signalé Iguana iguana aux Saintes. Lazell a ainsi
suggéré que les déterminations d'Underwood étaient
erronées. Nous sommes convaincu que les déterminations d'Underwood
sont correctes comme l'a montré une discussion que nous avons eue avec
lui. On notera que Lazell n'a avancé aucun argument pour rejeter les
déterminations d'Underwood.
La présence relictuelle d' Iguana delicatissima à Clugny et à
Pointe à Lézard (p.120) au sud (soit au nord et au sud des îlets
à Goyaves) suggère que la côte sous le vent de la Basse-Terre
abritait une population continue d'Iguana delicatissima. Iguana delicatissima
aurait été éliminé des Ilets à Goyaves et
aurait été repoussé dans la partie occidentale de Terre-de-Haut
entre les observations d'Underwood et celles de Lazell. Ce point de vue semble
renforcé par Dunn (1934) qui a signalé des collectes anciennes
d' Iguana delicatissima (1881) sur la Guadeloupe et à Terre-de-Haut,
et d'Iguana iguana (1914) à l'Ilet à Cabrit. Nous ne savons pas
depuis quand les deux espèces cohabitent aux Saintes et quand l'hybridation
a commencé, mais elle était déjà engagée
dans les années soixante (Day et al., 2000) et la colonisation de Terre-de-Haut
semble datée des années Cinquante.
Selon Hedges (1996a), le peuplement des Petites Antilles jusqu'à Porto-Rico
proviendrait d'une colonisation naturelle à partir d'Amérique
du Sud. Comme les données de Du Tertre (p.131) s'appliquent sans aucune
ambiguïté à Iguana delicatissima, il est plus que probable
qu'Iguana iguana soit un arrivant très récent en Guadeloupe. La
citation de l' Anonyme de Carpentras (1618-1620) de la p.33 montre sans ambiguïté
que les Caraïbes ont transporté des iguanes.
Pour avoir manipulé des centaines d' iguanes des deux espèces,
il nous semble évident que des individus se sont échappés
et ont fait souche. Ces transports amérindiens seraient en partie responsables
de la répartition des deux espèces telle qu'on la connaît
aujourd'hui. Dans cette perspective, il est intéressant de noter que
dans le site précolombien d' Anse à la Gourde datant du Troumassoïde
récent, Grouard (2001) a mentionné la présence d'os des
deux espèces d'iguane, de tatou et de manicou.
Au sud des Saintes, Iguana iguana est présent à Grenade, à Saint-Vincent et aux Grenadines ainsi qu'à Sainte-Lucie (Lazell, 1973). Faisant référence à la présence d'Iguana iguana à Sainte-Lucie, Underwood (1962) a écrit: "Il est peut-être indigène et il est peut-être la limite nord de sa présence naturelle" . Des études génétiques en cours montrent que les iguanes de Sainte-Lucie se différencient de l'iguane commun et pourrait être indigène et endémique de l'île (Hartley et Anthony, com. pers. in Daltry et al., 2001) Il était présent à la Barbade et sa disparition y semble antérieure à la découverte du Nouveau Monde (Swinton, 1937).
Selon Lazell (1973), Schwartz et Henderson
(1985, 1988, 1991), l'iguane commun est absent de la Martinique alors qu'une
population est présente au Fort Saint-Louis (Fort-de-France) au moins
depuis juin 1965 (Breuil, 1997a, 2000a). C'est le Père Pinchon qui avait
monté un petit zoo dans le fort où il avait comme pensionnaires
des iguanes des Saintes (Marcel Bon-Saint-Côme, comm. pers., juillet 2000).
À la suite de sa fermeture, les iguanes ont été libérés
et ont fait souche. Des individus de cette espèce sont régulièrement
observés au Lamentin aux environs de l'aéroport (Michel Tanasi,
ONF; Jean-Claude Nicolas PNRM comm. pers., août 1999) et sur les hauteurs
de Fort-de-France et de Schoelcher (Michel Tanasi, comm. pers., avril 2000).
Des iguanes sont même capturés sur la place principale de Fort-deFrance
et sont relâchés un peu partout ce qui met en danger Iguana delicatissima.
Récemment, des iguanes ont été trouvé au village
du Diamant (Ronald Brithmer, comm. pers., avril, 2001). Leur coloration et la
présence de deux petites écailles triangulaires sur le museau
(phénotype rhinolopha) nous font penser qu'il s'agit probablement d'individus
originaires de Sainte-Lucie, mais ils ne sont pas mélaniques comme certains
individus de cette île.
L' iguane commun est absent de la Dominique qui est peuplée par Iguana delicatissima alors que Marie-Galante abritait sans doute Iguana delicatissima (p.33) et qu'au moins un Iguana iguana a été relâché en 1995 (Michel Grandguillotte, comm. pers., avril 1995) et de nouveaux individus ont été signalés récemment (Leguyader in litt., oct. 2001). Au nord de la Guadeloupe, Iguana iguana se rencontre à Montserrat et à Saba. Il est absent de Saint Kitts, de Nevis et de Redonda. Il est arrivé par radeaux à la suite du cyclone Luis (p.34) à Antigua, Barbuda, Anguilla et Scrub Island (Breuil, 1999a; Day et al., 2000), mais la plupart d'entre eux ont été tués et une femelle mature a été trouvée à Anguilla (Censky et al., 1998) et récemment les individus ont été éliminés (p.134) par les services de conservation de la nature d'Anguilla.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Statut
-
Habitat
L'iguane commun habite une grande diversité de milieux. Dans les Petites
Antilles, c'est une espèce plutôt littorale qui fréquente
les milieux secs, les falaises à succulentes, les forêts xérophiles
et mésophiles, les ravines humides, les mangroves, les herbages ("savanes"
des Saintes). Il est présent aussi bien sur les côtes au vent (pluviométrie
2 000 à 4 000 mm/an) que sur les côtes sous le vent (moins de 1750
mm/an) que dans les parties les plus sèches des Saintes où il
tombe moins d'un mètre d'eau. Aux Saintes, l'iguane commun se rencontre
jusqu'au sommet des îles (293m et 309m). Sur la Basse-Terre, la limite
supérieure des populations n'est pas établie, mais des individus
erratiques se reneontrent jusqu'à 400m (Gourbeyre, Saint-Claude). À
Saba, Lazell (1973) a signalé cette espèce jusqu'à 800m
d'altitude.
Dans les milieux arides, les iguanes sont relativement groupés alors qu'ils sont plus dispersés dans les habitats plus humides et arborés. Ainsi, aux Saintes, l'espèce est présente dans l'ensemble de l'archipel, mais les grosses concentrations se situent sur les falaises littorales, sur certains arbres dans les "savanes" alors que les forêts de l'intérieur abritent plutôt des individus qui sont nettement arboricoles. En revanche, sur les falaises littorales, les iguanes communs sont essentiellement terrestres et trouvent refuge dans les anfractuosités, mais aussi dans d'anciens nids. Ils se chauffent sur les rochers au pied des falaises parfois à moins d'un mètre de l'eau.
Sur la Basse-Terre, l'iguane commun se rencontre dans les ravines, même en milieu urbain (Ravine aux Herbes, Ravine des Pères, Ravine du Galion), dans la ville de Basse-Terre ainsi que dans les jardins publics (jardin botanique, parc de la préfecture, Fort Saint-Charles, Couvent des Carmélites, Parc des Roches gravées...) et d'une manière plus générale dans tous les milieux arborées où ils ne sont pas trop dérangés. Son extension commence à poser des problèmes aux habitants dont les jardins et les potagers sont pillés et les plates-bandes défoncées par les femelles venant pondre. Sur la côte Atlantique, il fréquente les falaises intérieures (Sainte-Marie) où il est en compétition avec Iguana delicatissima, mais aussi les ravines coupant les bananeraies. Il est très abondant dans les mangroves bordant le Petit Cul-de-Sac Marin (Zone industrielle de Jarry). Il a colonisé les habitats littoraux du sud de la Grande-Terre et se rencontre entre Gosier et Saint-François et il commence à s'installer à l'intérieur des terres, sans doute chassé par la destruction de la végétation côtière.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Statut
-
Biologie-Écologie
Iguana iguana est un végétarien opportuniste essentiellement
arboricole qui se nourrit aussi bien à terre que dans les arbres. Il
consomme une très grande diversité de végétaux et
de la matière animale, reflétant ainsi les différents habitats
fréquentés.
Aux Saintes et sur la Basse-Terre, son comportement alimentaire présente des particularités. Dans les près des Saintes ("savanes"), Iguana iguana est en compétition alimentaire directe avec les chèvres et les vaches pour la végétation herbacée ou des fruits tombés des arbres (manguiers, etc.). Il s'alimente entre les pattes des vaches ou des chèvres. L'iguane commun prélève aussi de nombreux végétaux dans les jardins (salade, pois, melon, fleurs d'hibiscus...). L'impact de ces animaux sur les plantes cultivées reste à évaluer. En plus de ce régime alimentaire végétarien, il consomme des excréments d'origines diverses, des poissons morts et occasionnellement des poussins dans les basses-cours (Patrick Perron, comm. pers., février 1995). C'est un habitué des décharges comme celles du Chameau et de l'aérodrome de Terre-de-Bas. Dans ces lieux, les iguanes communs éventrent les sacs-poubelles pour s'alimenter et parfois disparaissent complètement à l'intérieur (obs. pers., décembre, 1992). L'exploitation de ces déchets en tout genre est peut-être un des facteurs responsables de la prolifération de cette espèce. Dans les ravines de la Basse-Terre, l' iguane commun consomme de très nombreux végétaux et montre a priori le même régime alimentaire qu'Iguana delicatissima. Il a une prédilection pour les mangues qu'il mange au sol.
Quand il est inquiété, l' iguane commun grimpe au sommet des
arbres, se jette au bas des falaises, s'enfonce dans la végétation,
ou part en mer où il demeure parfois plusieurs minutes sous l'eau soit
en nageant, soit en se tapissant au fond (p.139).
Bien que le soleil se lève vers 5-6 heures, les premiers iguanes apparaissent
dans les "savanes" des Saintes environ 3 heures après. Ils
ont passé la nuit dans les manguiers ou d'autres grands arbres, dans
les lambeaux de forêts des mornes, dans les fissures des falaises. Ce
n'est qu'après avoir atteint une température compatible avec leur
déplacement qu'ils changent d'endroits et s'exposent au soleil, puis
ils partent s'alimenter.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Statut
-
Reproduction
En captivité, la taille et l'état adulte peuvent être
atteints en un an. Les femelles mesurent alors autour de 25cm de longueur corporelle
(obs. pers. à la Ménagerie du jardin des plantes). Cependant dans
la nature où la croissance est plus lente (moins de nourriture au Carême),
la maturité est plus tardive. Elle est atteinte autour de 3 ans pour
les femelles et bien plus tard pour les mâles qui doivent établir
un territoire aux termes de combats parfois violents. Durant la période
d'accouplement qui a lieu aux Saintes en février-mars (obs. pers. fév.
1995), les mâles sont particulièrement agressifs et montrent constamment
des comportements de défense du territoire (hochements de tête,
gueule ouverte en soufflant bruyamment, coups de queue).
La parade débute par des hochements de tête destinés à attirer l'attention de la femelle (Dugan, 1982a,b), puis le mâle toute autour d'elle, mais celle-ci, généralement, s'en va. Les tentatives de séduction du mâle durent plusieurs jours avant que la femelle accepte l'accouplement. Le mâle courtise en général toutes les femelles de son territoire. Quand une femelle devient consentante, elle se laisse monter dessus ; le mâle la mord à la nuque, mais parfois à la tête ou au milieu du dos. Il l'immobilise ainsi et place l'ouverture de son cloaque au contact de celui de la femelle. Un des hémipénis se retourne alors en doigt de gant, l'accouplement dure plusieurs minutes et se répète une dizaine de fois pendant 7 à 10 jours. Durant cette période, le mâle est très agressif et cherche à s'accoupler régulièrement.
Après cette période, la femelle se nourrit beaucoup, mais utilise aussi ses réserves de graisses corporelles pour les stocker dans ses oeufs. Neuf à dix semaines après les accouplements, la femelle est prête à pondre. Elle se caractérise alors par un ventre bosselé témoignant de l'important investissement énergétique dans la reproduction. C'est à ce moment qu'elle cherche un lieu de ponte. Les déplacements effectués sont parfois assez importants notamment pour les animaux vivant assez loin du littoral. C'est à cette période (fin avril-début mai) que de très nombreuses femelles se font écrasées sur les routes (par exemple, route reliant la ravine aux Herbes à la place de Basse-Terre) quand elles quittent leur territoire pour aller pondre.
Les milieux de ponte choisis sont des milieux bien drainés et ensoleillés : sable des plages, talus argileux, ancien four à charbon, potagers, etc. (Breuil, 2000b,d). Le nombre d'oeufs pondus, proportionnel à la taille de la femelle, varie de 14 à 76 (Wiewandt, 1982) ; Schardt (1998c) a mentionné une ponte en captivité de 79 oeufs. 30% à 40% environ du poids d' une femelle gravide correspond aux poids des oeufs. Ceux-ci mesurent 39 x 26 mm et pèsent entre 9g et 14g (Wiewandt, 1982). Schardt (1998c) a donné les valeurs suivantes: 39-47x25-27mm, 18-20g;40,5-49,2x31,1-31,5mm, 21-23g. Une jeune femelle trouvée écrasée, dans le sud de la Basse-Terre alors qu'elle allait pondre, pesait 890 g, contenait 17 oeufs de 38-45,5 x 22-28,2 mm et 14-24 g. Les oeufs les plus gros étaient ceux se trouvant dans la partie postérieure de chaque oviducte. Les valeurs trouvées pour les oeufs d' Iguana delicatissima se situent dans la gamme de celles d'Iguana iguana.
Aux Saintes, dans le sud de la Basse-Terre et à Jarry, la ponte débute en général fin avril-début mai. Deux observations ponctuelles à Jarry ont indiqué une durée d' incubation naturelle de 90 et de 92 jours, les jeunes apparaissent donc début août (Breuil et Thiébot, 1994). Ces observations reflètent parfaitement les nombreux témoignages recueillis aux Saintes et nos propres observations sur la date des pontes et la date d'apparition des jeunes (obs. de nouveau-nés couverts de terre, avec cicatrice ombilicale non refermée à Trois-Rivières le 21 août 1999). Underwood (1962) a indiqué une incubation de 14 à 15 semaines et Licht et Moberly (1965) ont rapporté que des oeufs incubés à 30°C ont mis 73 jours à éclore. Harris (1982) a mentionné des durées d'incubation comprises entre 74 et 91 jours pour une température de 31°C. Schardt (1996) a indiqué une incubation comprise entre 74 et 83 jours pour une température de 30°C (+/-0,5) .
Lazell ( 1 973) pensait que la ponte dans les Petites Antilles avait lieu de décembre à février ce qui est erroné pour l'archipel Guadeloupéen. Selon Rand et Greene (1982), d'après les taux de croissance des juvéniles, les éclosions auraient lieu en Guadeloupe en août-septembre, ce qui est plus en accord avec nos observations directes faites en 1989, 1992, 1993, 1995, 1997, 1999, 2000 et 2001. De plus, il n'y a qu'une saison de reproduction par an.
Dans l'archipel Guadeloupéen et en Martinique, les nouveau-nés apparaissent essentiellement à partir du début de la saison humide (fin juillet-début août) lorsque les pluies conduisent à un ameublissement du sol et que la reprise de la croissance de la végétation favorise la prolifération des insectes que les jeunes consomment. Selon Rand et Greene (1982), les dates d'éclosion correspondent avec le début de la saison des pluies quand le sol est facile à creuser et que de jeunes pousses sont disponibles pour les jeunes. Une incubation durant la saison sèche limite aussi les risques de mortalité liés à l'inondation du nid et au développement de champignons.
Systématique
- Description - Répartition
dans l'archipel Guadeloupéen -
- Répartition locale
- Habitat - Biologie-Écologie
- Reproduction - Statut
-
Statut des populations
Contrairement à Iguana delicatissima qui est en régression, Iguana
iguana est une espèce en pleine expansion. D epuis les années
1960, elle a conquis l'extrémité ouest de Terre-de-Haut des Saintes,
a gagné Terre-de-Bas des Saintes et s'est développée dans
le sud de la Basse-Terre et le long de toute la côte au vent ainsi que
sur toute la côte sud de la Grande-Terre.
Ce développement sur la Basse-Terre et la Grande-Terre est récent.
Il semble dû à la conjonction de plusieurs facteurs :
- Protection des iguanes aux Saintes (1976) et donc augmentation de la population
qui, en période de Carême, a des difficultés à survivre,
incitant certains individus à migrer à la nage entre les îles
de l'archipel (au Carême, la mer est plus calme que durant l'Hivernage)
voire jusqu'à la Basse-Terre (nombreux témoignages fiables d'iguanes
vus en mer dans le canal des Saintes).
- Déplacement volontaire d'iguanes sur la Basse-Terre ou iguanes passagers
clandestins.
- Entraînement des iguanes par les cyclones (p.34).
- Présence d'une population dans le massif de Houëlmont qui a été
renforcée par l'arrivée de nouveaux individus.
- Déchets en tout genre, nombreux arbres fruitiers (manguiers, etc.),
cultures dont les iguanes profitent largement.
- Présence de nombreux jardins avec de la terre meuble, les iguanes disposant
ainsi de sites de ponte favorables.
- Protection de l'iguane commun dans l'archipel Guadeloupéen depuis 1989.
La prolifération de cette espèce est telle sur la Basse-Terre et maintenant sur la Grande-Terre qu'elle est chassée (illégalement) à cause des dégâts qu'elle fait dans les jardins. Dans certaines ravines de Saint Claude (Ravine aux Herbes), il était possible (1992, 1995) de voir en un quart d'heure plus d'une centaine d'iguanes adultes. Au moment de la ponte (fin avril début mai), sur certaines routes qui bordent ces ravines, il y avait, en moyenne, chaque jour un iguane écrasé tout les 100m sur une distance d'un kilomètre. Cette population connaît des fluctuations d'effectif dont les causes ne sont pas connues, mais des riverains en ont tué de nombreux au fusil (Pascal Chondroyannis, ONF, comm. pers., avril, 1995) et la construction d'un pont a probablement perturbé ces animaux qui ont dû aller s'installer ailleurs, mais depuis que les travaux sont finis, les iguanes sont revenus (Breuil, obs.pers;août 2000, 2001). Par ailleurs, nous avons vu plusieurs fois (1992, 1995, 1997) des enfants qui essayaient de capturer ces iguanes pour les revendre, nous ont-ils dit, à des Guyanais qui les mangent.
L' iguane commun est protégé en Guadeloupe, mais pas en Martinique. Se fondant sur les travaux de Lazell (1973), la présence d'Iguana iguana en Guadeloupe avait été considérée comme naturelle au moment de la rédaction de ces textes. En revanche, il était connu à l'époque que les iguanes communs présents en Martinique provenaient d'iguanes des Saintes libérés du petit parc zoologique qui était situé dans le fort Saint-Louis à Fort-de-France (p.141). La prolifération de cette espèce met en danger, sur l'ensemble des Petites Antilles, la survie d'Iguana delicatissima.
Pour les raisons philologiques, historiques, écologiques, génétiques et biogéographiques développées ci-dessus, nous considérons ici que l'iguane commun est une espèce invasive dans certaines îles des Petites Antilles (Saintes, Basse-Terre, GrandeTerre, Martinique). Cette hypothèse que nous avons proposée pour les îles françaises (Breuil et Sastre,1993) est maintenant admise par la communauté herpétologique internationale (Daltry et al., 2001). Il y aurait donc lieu de limiter sa prolifération au moins dans l'archipel Guadeloupéen et en Martinique où l'on est sûr qu'elle a été introduite. Cette prolifération se fait aux dépens d'Iguana delicatissima par un phénomène de compétition et d'hybridation comme cela est admis par les associations de conservation de la nature internationales (Flora et Fauna International, Iguana Specialists Group de l' UICN, voir Day et al., 2000; Daltry et al., 2001) et les associations caribéennes de protection de la nature (Anguilla et Antigua National Trusts).
© Histoire
naturelle des amphibiens et reptiles terrestres de l'archipel guadeloupéen
Michel BREUIL - Ed.Museum national d'histoire
naturelle de Paris (Paris- 2002)
Action-Nature (2003)